L'histoire :
Dans une grande demeure au style baroque. Au milieu d'une vaste pièce trône un tapir empaillé. Il est habillé d'une élégante chemise de l'ancien régime. Une collerette blanche orne son cou et sur son flanc, comme une petite cage de bois, dont l'obscurité fait penser qu'elle est implantée à même la bête. Sur le mur droit de cette pièce, on distingue un ensemble qui forme une imposante tuyauterie surplombée d'une grosse poulie, qui tracte d'épaisses chaines suffisamment longues pour qu'une partie d'entre elles serpente sur le sol. Au bout d'une de ces chaines, le squelette du crâne d'un petit animal, sans doute un rongeur, la gueule encore béante A gauche, on aperçoit une sorte de cage en verre. Sur sa face supérieure pousse un arbre. Une partie de ses racines est apparente et prend appui sur les parois. Ce qui est contenu dans cette cage est effrayant, puisqu'il s'agit du corps d'un homme décapité. Entre ses pieds, on distingue un œil à la taille disproportionnée. Tout semble étrangement calme dans ce décor cauchemardesque mais soudain, une main surgit de l'épine dorsale du tapir, qui est comme cousue. Une taupe pointe le bout de son nez....
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Hans Rickheit fait partie de ces auteurs qui construisent des mondes complètement barjots, mais tellement uniques qu'ils en sont terriblement séduisants. Peut-être aviez-vous repéré en 2014 La machine écureuil, l'histoire de deux frères qui vivent dans la Nouvelle-Angleterre du XIXeme siècle et qui inventent des instruments de musique en greffant une étrange technologie à des carcasses d'animaux... Alors Cochléa et Eustachia commence avec des éléments similaires, qui apparaissent comme un thème leitmotiv qui assure la continuité des symboles omniprésents dans l'univers de l'auteur. La première scène et ses quatre premières pages muettes est comme une trappe : elle vous aspire tout de suite. Ce qui fait pourtant la différence visuelle avec La Machine Écureuil, c'est cette fois-ci la couleur, dont un épisode avec son bleu pâle monochrome du plus bel effet, puisque le théâtre de l'action est le ciel. Ce second livre de Hans Rickheirt paru en France, aux Éditions Huber, plonge ainsi le lecteur, dès la première minute, dans un trip complètement hallucinant, une sorte de dimension onirique, à la frontière des hallucinations et des visions d'un rêve angoissant, où l'absurde, le fascinant et l'intriguant se côtoient. Mais l'aspect flippant est vite adouci par la présence de deux nymphettes que l'on suit dans leur périple au sein d'un manoir comme vous n'en avez jamais vu. Qui sont Cochléa & Eustachia, ces deux jeunes femmes en nuisette, portant un masque noir et aux jolies petites fesses à l'air ? Que font-elles dans cette maison des horreurs ? Et d'ailleurs, quelle est cette demeure qui semble cernée, jusqu'à l'horizon, de squelettes de crânes de petites bêtes? Et qui est la taupe qu'elles espionnent, sortie d'un tapir naturalisé ? Que sont les autres créatures qu'elles croisent ? Ne comptez pas sur nous pour vous le dire, mais allez vous frotter aux curieux mystères que contient cet album, tout au long des 105 pages qui font parfois penser à Charles Burns, tellement on est loin, mais si loin, de tous les repères qui nous amènent encore un peu de sécurité et de confort. Laissez tomber les substances, avec ce livre, vous prendrez un doux shoot et pour la descente, on vous prescrira une relecture, parce qu'une seule prise ne suffit pas à tout comprendre... mais elle suffira à tomber accro au monde de Rickheit. Tripant !