L'histoire :
Un homme arrive dans une clairière. Avec son sac à dos, de grosses chaussures de marche, il s'arrête une minute aux pieds d'une bicoque délabrée. Le toit s'est effondré par endroits, il n'y a plus aucune vitre aux fenêtres. Au rez-de chaussée, les ouvertures ont été barricadées par des planches désormais vermoulues et du lierre monte au mur. Le bonhomme semble sceptique et on devine qu'il passe son chemin parce que ce lieu ne pourra absolument pas faire un bon abri. Il continue sa marche et traverse une épaisse forêt, jusqu'à apercevoir des bâtiments. La nature a regagné ses droits et il fut un temps où existait ici une petite ville. Là aussi, les bâtiments sont tous sinistrés et abandonnés. Tous ? Peut-être pas, car au détour de l'un d'entre-eux, il aperçoit deux jeunes femmes assises devant une porte qu'elles semblent garder, assises sur un bloc de pierre qui leur sert sûrement à condamner cette entrée. Ils entament une discussion et les deux filles l'invitent à entrer dans la vaste demeure : elles vont lui faire faire «le tour du propriétaire», pour ainsi dire...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Josh Simmons est un artiste américain à l'histoire plutôt atypique, puisqu'à 20 ans, il avait quitté son Connecticut natal pour aller en Suède, où il rejoignit un groupe de Punks se produisant dans un spectacle de cirque... et de rue. Il tira de cette expérience de quoi écrire et dessiner une série, Cirkus New Orleans et le bougre a du talent, puisque l'éditeur Top Shelf regroupe plusieurs chapitres pour les publier. Voici donc Josh Simmons au catalogue d'un éditeur qui propose des récits d'Alan Moore, Jeff Lemire, Craig Thompson, Matt Kindt, entre autres. Tout cela pour que vous puissiez vous représenter le parcours du bonhomme mais aussi la qualité de ses récits, pour hors du commun qu'ils soient. House,autrement dit Le Manoir, est écrit en 2007 et publié chez Fantagraphics Books, éditeur mythique que tout fan de comics indés connaît. Et cette œuvre est nominée au prix Ignatz, propre à la scène alternative. Alors, s'il est bien difficile de résumer un bouquin qui ne contient absolument aucun texte ni dialogue, il est aisé de vous dire que par conséquent, toute sa force passe par la narration graphique. Dès les premières pages, on est happé par ce monde silencieux et dévasté : les paysages défilent, les forets faisant vite place à des bâtiments typiques des USA. Le dessin est donc soigné car il contient de nombreux détails qui se concentrent sur les décors. L'architecture du début de XXème siècle des constructions et le fait qu'elles soient totalement délabrées et abandonnées rendent l'atmosphère irréelle et bientôt très inquiétante. Les trois personnages, deux filles et un garçon, vont se lancer dans une quête qui va toucher au paroxysme de l'angoisse, ce que l'auteur traduit aussi par une mise en page où les cases disparaissent au profit d'un fond noir qui devient uniforme et finit par tout avaler. Le Manoir est une œuvre forte qui marque son lecteur par la beauté de l'horreur qu'il provoque et véhicule, où la suggestion et le silence sont les seuls narrateurs. Remarquable !
