L'histoire :
Henry Kildare est un trentenaire moyen, présentant tant bien que mal un One Man Show de ventriloque dans les petits bars voulant bien l’accueillir. Il passe aussi ses temps morts au téléphone à essayer de joindre sa femme qui ne répond pas. A la fin de l’un de ses spectacles, le barman lui propose de prendre des champignons. Le lendemain, se souvenant de rien et alors qu’il repart sur la route en bus, il est interpellé par deux agents de police, car un sous-vêtement est resté accroché sur sa veste. Il est accusé d’avoir kidnappé une fillette disparue et va goûter de la prison. A moins que ce ne soit qu’une erreur ? Dans Goiter 3, (le numéro traduit par Zine panique), Sally, trentenaire aussi, passe ses journées à cumuler les services dans un petit restaurant minable dirigé par un patron pas très sympa. Sa mère est malade et un soir, tandis qu’elle rentre seule sur son chemin habituel, elle est abordée par un phénomène surnaturel : une tête d’homme flottant dans l’air. Joe Murphy, c’est son nom, lui explique qu’il a traversé le temps et l’espace grâce à un système interdimensionnel, et que, blessé dans un conflit armé, où il a été incorporé de force avec d’autres soldats, il a réussi à s’échapper grâce à la construction d’un appareil artisanal de leur fabrication, d’où sa forme incomplète. Tous deux, en recherche d’amour, vont vivre cette relation plus qu’étrange quelques temps ensemble, jusqu’au jour où Joe va disparaître, comme il était arrivé...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Josh Pettinger est originaire de l’ile de Wight et vit désormais à Philadelphia après être passé à Chicago. Il s'est lancé en 2014 dans le monde compliqué du comics alternatif en auto éditant de petites histoires dont ce Goiter proposant un ensemble de récits focalisant sur l'absurdité de la vie de quidams moyens. Ne sous-titre-t-il d’ailleurs pas son second numéro « « De vrais traumatismes romancés pour votre plaisir » ? Dans ce monde où le travail n’autorise aucune émancipation personnelle, ces anti héros se retrouvent assez automatiquement entraînés dans des histoires - au départ d'une banalité affligeante - vers un rocambolesque défiant les lois de la réalité. L'amour est aussi au centre des scénarios, deux personnes cherchant à se rapprocher, ou à se retrouver, mais la lourdeur d'une société « rouleau compresseur » les en empêchera. Au numéro 6 de son fanzine, Josh Pettinger attaque en troisième chapitre la Victory Squad, un récit davantage SF mettant en scène Michael, manœuvre dans un centre Amazon du futur, où toutes les dérives de ce genre de travail sont décrites avec exagération. Chaque employé, surveillé à outrance, rend compte à chaque instant de sa vie, même privée, où le confort accordé (format et look de la chambre, commodités.. ) ne l’est d’ailleurs que selon ses résultats professionnels. Révolté par ce qu'il ressent et en recherche d'une compagnie, il va faire connaissance par accident avec des révoltés comme lui, qui vont tenter de déboulonner ce système grippé et corrompu. C'est sur cette thématique que se referment Goiter 8 et ce recueil, nous laissant un goût doux amer en bouche. Digne héritier d'autres créateurs, plutôt américains, tels Daniel Clowes, voire Rick Veitch, pour l'aspect déstabilisant, on ne pourra s'empêcher néanmoins de le rapprocher de son contemporain Nick Drnaso (Acting Class, chez Presque Lune), au niveau du style un peu « figé » de son dessin, où les trames des pages couleur participent à nous emporter dans un monde de carton-pâte irréel; ce rapprochement ne rendant qu’à moitié justice à la grande personnalité de son œuvre en marche. Déjà deux autres parutions sont à noter depuis : Werewolf Jones & Son aux côtés de Simon Hanselman, mais aussi Power Wash et Warm Télévision, mettant en scène son personnage de Tedward. Gageons que leur traduction sera assurée.