L'histoire :
Au début du IVème siècle, le légionnaire Lucan Valerius prend la mer au large de Gibraltar à la tête d'une flotte impressionnante. En progressant vers l'ouest, elle va s'abandonner dans une terrible tempête. Quelques jours plus tard, les survivants dont le bois n'a pas coulé se retrouvent par miracle sur une terre ferme baignée de lumière. Des hommes à la peau basanée s'approchent d'eux. Les soldats s'affrontent brièvement avant que le symbole de l'aigle qu'ils partagent les rapproche et fasse cesser la violence. C'est le premier contact entre des romains et des habitants de la baie du fleuve Hudson, des amérindiens avec qui ils vont parlementer. Lucan et le chef Akula s'accordent pour vivre en paix. La tribu des Hopewell et les soldats de Valerius vont partager leurs savoirs et faire alliance contre les ennemis potentiels. Les romains vont aider le peuple d'Amérique à développer des constructions nouvelles, et quelques siècles plus tard les paysages s'en trouvent transformés. Les populations sont mélangées, mais ont gardé quelque rancœurs ancestrales, chacun se souvenant de ses racines lointaines, ou se voyant reprocher ses origines. Les premiers navires vikings vont arriver sur ce continent nouveau et tenter de conquérir ces terres. Et bien entendu, un jour, ce sera le tour de Christophe Colomb...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le pitch initial est épatant et plein de promesses : et si les romains avaient traversé l'Atlantique et débarqué en Amérique bien avant Christophe Colomb ? On est happé par ces premières pages étonnantes qui donnent une tournure imprévue à la rencontre avec les autochtones. Mais très vite, on comprend que les auteurs ont voulu pousser leur ambition jusqu'à dessiner une histoire sur plusieurs siècles, ce qui dilue très vite la force de leur idée initiale. N'est pas Jean-Pierre Pécau qui veut, pourrait-on dire, en comparant l'approche de Justin Giampaolo et Brian Wood avec celle de l'auteur de Jour J, qui détourne également des moments de l'Histoire, mais creuse bien plus profondément la conséquence d'événements alternatifs. En choisissant de parcourir près de 20 siècles en quelques épisodes, ils ne font qu'ébaucher des possibilités, et tentent tant bien que mal de se raccrocher à la descendance des premiers romains arrivés sur le continent pour donner une forme de continuité à leur récit. On survole d'autant plus cette épopée que les dialogues semblent avoir été traduits de manière un peu rapide, avec des expressions très actuelles et des tournures de phrase qui ne peuvent pas figurer dans le récit initial en langue anglaise. Il reste le dessin réaliste élégant et nerveux d'Andrea Mutti, brillant dessinateur italien qui a l'habitude de voyager du franco-belge au comics, avec une belle aisance. Ses pages régulièrement découpées en quatre blocs s'accommodent sans souci de toutes les époques, et nous font imaginer ce qu'aurait pu donner cette idée sur le long cours. Rome West est un livre à lire plus lentement que la normale, pour se donner le temps que son format ne nous donne pas, et apprécier un voyage tout de même original et bien construit.