L'histoire :
Aran Ana-kashan est un jeune novice de dix-sept ans, ayant quitté son père et les basses-terres sur son baudet nommé « cheval ». Traversant les plaines enneigées du nord, il arrivera après un long périple dans la grande citée de Shahariza. Sur la route, il aura croisé entre temps un mage qui lui aura fait une révélation, dont il ne fera cure, même si un peu plus tard, sur un champ de bataille mortifère, il fera connaissance avec un colosse à demi mort, avant de sombrer suite à un coup fatal de ce dernier. Bien plus tard, reparti à la recherche d'Axus le terrible, légendaire héros - devant l’avertir de grands bouleversements - il parviendra enfin à la taverne du bélier et du paon, tenu par Axus, en compagnie de ses amis : Alita, Eeeyeekaldu, Horus, Swig et Blacjaq. Le colosse est, cela dit, accaparé par des missions toutes aussi loufoques les unes que les autres, englué dans un passé glorieux qu'il croit encore à sa portée, alors qu'il a vieilli, grossi considérablement, et n'est plus que l'ombre de lui-même. Lors d'une soirée en son honneur, et tandis qu'Axus pénètre le palais du Vizir afin de le piller avec sa petite bande de bras cassés, Aran montre de son côté d’étonnants talents de combattant pour défendre Alita. Au palais, d'étranges évènements se déroulent en parallèle de la visite nocturne de la bande, et il semblerait que le démon Amon, avec lequel Axus a eu maille à partir dans le passé, soit en train de renaitre de ses cendres, semant la terreur...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
En 1995, Barry Windsor Smith, superbe dessinateur révélé par Conan au début des années 70, puis par Wolverine l'Arme X, mais aussi chez Valiant avec la série Archer and Armstrong, sort juste de la série d'Heroic fantasy Rune (inédite en France). Il se souvient d'une idée datant des années quatre-vingt et commence un épisode noir et blanc de Freebooters. 26 pages assez héroïques, dont l'auteur n'est pas complètement satisfait. Il souhaite aller plus loin, s'extraire des poncifs de l'industrie du moment, avec une nouvelle forme plus adulte, dans un format magazine contenant de l'humour. Barry Smith lance alors Storytellers, un compendium original, prévu en douze numéros chez Dark Horse comics, avec trois séries différentes entièrement réalisées par lui : de la SF avec Paradoxman (inédit), du Sword and Sorcery avec Freebooters et un fantastique éthéré peuplé de dieux : Young Gods. Cependant assez rapidement, l’auteur accuse l'éditeur de ne pas mettre les moyens nécessaires dans la diffusion du titre, dont les ventes ont du mal à décoller. Résultat : au numéro 9, l'aventure s'arrête. Barry Smith travaille alors pour Fantagraphics avec Ad Astra in Africa, ces deux volumes traduits luxueusement aujourd'hui, ses deux Opus biographiques, et Monstres, son chef d'oeuvre sans doute, qui lui prendra de nombreuses années. Alors que reste-il aujourd'hui de Freebooters ? Une série étonnement fraîche et rigolote, baignant dans une ambiance mêlant l'univers de Conan et celui d’Archer and Armstrong. Cette histoire a en effet tout du classique « bon duo », et multiplie les scènes chaotiques, remplies de personnages grouillant de vie. Barry Smith mêlant d'ailleurs dialogues truculents, langue des signes et dialecte italien, dans une cacophonie flamboyante. Tout cela est original, dynamique, étonnant, fabuleux, et ne manque de rien, mixant diverses recettes éprouvées, tant au cinéma que dans les comics. Le suspense est à son comble lorsque la série se saborde. Dès lors, l'importance des notes de l'auteur lui-même (où l'on décèle une complexité et une certaine fragilité), les témoignages d'amis et le long texte récapitulatif de Marc Duveau - ici traducteur, mais surtout grand spécialiste depuis les années 70 - sur les périodes éditoriales de Smith, ainsi que de nombreux dessins inédits, permettent de mieux encaisser le deuil de ce gâchis. Une édition française bienvenue pour compléter la bibliographie d'un grand auteur, quelque peu maudit.