L'histoire :
Maria vit au dessus de la colline d'un petit village, dans une grande maison, avec un nabab qui l'entretient. Aujourd'hui cependant, cette vie facile est terminée car l'homme réalise que leur toute jeune fille n'est pas la sienne. Chassée, Maria est recueillie par le pauvre Eduardo, le père de Luba, ouvrier travaillant sur la dépollution de la rivière en contrebas et Karlota, sa fille. Cependant, cette vie miséreuse ne convient pas à Maria, qui va prendre le large, ne laissant à sa petite qu'un carnet de souvenirs fermé à clef. Après le départ de Karlota et son amant, et pas mal de kilomètres à pied, Luba et son père vont trouver refuge chez la sœur d'Eduardo, vivant avec sa fille Ofelia. C'est cette dernière qui va élever la petite, de manière assez dure. Après la mort de son père, victime d’un assassinat crapuleux sur une plage, Luba va grandir, devenant une assez belle adolescente aux cheveux longs de jais, porteuse d'une poitrine proéminente, qui va exciter les désirs masculins. Peter Rio, joueur de congas dans un orchestre local va tomber sous son charme, et la demander en mariage. Les accointances de ce dernier avec la mafia locale va catapulter Luba dans un univers fait de violences, de sexe, de drogue, dont elle mettra un certain temps à se défaire, passant de « mains en mains », et tandis que son passé la poursuit. Elle fuira (encore) et va retrouver sa cousine Ofelia. Toutes deux migreront à Isleta, avant de finir à Palomar, où elles vont travailler aux bains publics.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
On ne dira jamais assez combien Love and Rockets est un ovni dans le milieu du comics. Cette saga à quatre mains créée il y a quarante trois ans est l'une des plus longues encore en activité, et mérite à elle seule l'attribut de Roman graphique, tant son « épaisseur » scénaristique l'impose comme œuvre littéraire à part entière. Ce volume suit le destin tragique (et rocambolesque) de Luba, appelée à devenir un personnage central de cette série. Débutant avec ses toutes premières années, on est vite extrait de ce prologue avec l'épisode central : La rivière empoisonnée, où l’auteur organise un système de chapitres focalisant sur un personnage à chaque fois. Il arrive cependant avec un brio remarquable à garder le cap et une fluidité extrême dans le récit complexe de ce destin mêlant origines sociales, guerre des gangs, politique mexicano-américaine, culture musicale et traditions, le tout dans une ambiance sociale au plus près des protagonistes, que l'on pourrait chez nous qualifier de « naturaliste ». Sauf qu'ici, les années cinquante à soixante-dix sont les repères posés, et que le sexe, dans toutes ses formes et dépravations est évoqué et dessiné, sans fard. C'est d'ailleurs un des points les plus « difficiles » de ce volume, pour des lecteurs qui seraient un peu trop sensibles, d'autant plus que la violence est aussi présente, avec certaines scènes particulièrement dures. Gilbert Hernandez ne nous cache rien et le fait avec une facilité apparemment déconcertante. Usant de flashbacks ou de flashforward arrivant parfois sans crier gare, il maltraite quelque peu son lectorat, mais le sentiment de n'être pas pris pour un demeuré est quasiment aussi jouissif que l'effet escompté. Le dernier chapitre propose l’épisode « satellite » Love and Rockets X, se déroulant dans le Los Angeles des années 90. Au delà de Palomar porte bien son nom quant au contenu, et celui-ci agit telle une batte de baseball en pleine poire. Le pire étant qu'on en redemande. La seule critique : une police de caractère bien trop petite, rendant la lecture malaisée. Jamais imité, jamais égalé. Franchissez le pas !