L'histoire :
Karen nage en plein cauchemar. Dans une forêt, elle voit un homme qui ressemble fortement à son frère Deeze. Il dit s’appeler Victor et se prétend être le frère jumeau de Deeze. Mais ce dernier l’a tué alors qu’elle n’était encore qu’un bébé. En effet, du sang coule de son œil tatoué. Prise de panique, Karen s’enfuit. Heureusement, elle retrouve la maison et passe par le panier de linge sale. Mais une mauvaise surprise l’attend dans sa chambre. Deux statues de lion immenses parlent sur elle tandis que Blemmy discute avec Anka qui est allongée. Une rose remplace la blessure d’Anka et un œil semble émerger du centre. La voisine morte dit avoir un message pour Karen : un monstre gentil est une personne qui fait le choix le plus réfléchi possible, même quand il n’y a pas de bonne solution. La rose devient alors une immense mare de fleurs dont les pétales tombent sur Karen. Cela se change en sang mais quand elle le goûte, il a un goût délicieux. Karen le sent : elle ne peut résister. Et petit à petit, elle se transforme en loup-garou ! Elle veut à tout prix lécher les pétales d’Anka. Son corps est si délicieux ! Elle ne peut résister. Goulûment, elle lèche sans relâche les roses de la voisine. C’est là que son frère la réveille : elle est à quatre pattes sur tapis du salon, en train de lécher la moquette !
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
7 ans ! Il aura fallu attendre 7 ans pour avoir une suite au phénomène Moi, ce que j’aime, c’est les monstres. Auréolée du prix d’Angoulême et propulsée sur le devant de la scène, Emil Ferris allait-être perdre de sa créativité ? Le tome deux rassure d’emblée avec ce ton si spécial et si singulier qui avait fait sa marque de fabrique dans le tome précédent. Pourtant, plus que le précédent, cet opus avance considérablement l’intrigue. On en apprend ainsi beaucoup plus sur Karen, sur son frère et même sur Anka. Néanmoins, l’histoire reste toujours aussi insaisissable. Plus on avance, plus on est surpris et plus on se perd. Ce mélange hybride entre récit policier, autobiographie, fantastique créé un récit monstrueux également pas toujours simple à suivre et pourtant si agréable à lire. Il faut dire que le visuel est enchanteur et Ferris n’a rien perdu de son talent bien au contraire. Dans des pages toujours imitation cahier avec une marge et des lignes, son trait est prodigieux et envoûte à chaque instant. On passe des tableaux de grands maîtres de Goya en passant par Picasso à des affiches de films de la Hammer de façon jubilatoire. On a même une réunion des deux avec une Joconde particulière aux cheveux de serpents façon Méduse ! Des moments d’irréel qui croisent une réalité plus dure et le fantastique/ gothique imaginaire est comme un voile prude qui cache l’horreur de la vie. A l’image de George Perec dans W ou le souvenir d’enfance, l’imaginaire, même s’il est torturé, permet de mieux supporter la réalité et l’horreur absolue des camps de concentration. On est rassuré : le deuxième livre n’a rien perdu de sa fascination !