L'histoire :
A Bandini, petite ville canadienne tranquille, tout le monde connaît Monthy Wheeler. Propriétaire et gérant d’un magasin de comics et de gadgets en tous genres, Monthy a l’image de l’adolescent attardé, vieux garçon catégoriquement introverti. Sa pathologique et pathétique collection de jouets résume à elle seule sa vie. Pourtant Monthy s’affiche à présent en compagnie d’une asiatique fraîchement épousée. Kyung Seo est une « mariée par correspondance ». Coréenne et orpheline, Kyung cherche à travers cette expatriation matrimoniale, à se libérer du poids des traditions. Monthy, lui, a la « fièvre jaune » : seules les femmes asiatiques l’intéressent. Kyung est la petite poupée chinoise (Coréenne ! s’acharne t-elle à rectifier) qui manquait à sa collection. Après des débuts très prudes, les nouveaux mariés apprennent à se connaître, et l’espérance cède à la désillusion. Aux yeux de Kyung, Monthy est un lâche incurable qui veut l’enfermer dans une vie médiocre. Elle a pourtant une vraie personnalité, et ne rêve que de liberté intellectuelle. Elle fait alors la rencontre d’Eve, une photographe d’art au caractère affirmé, qui l’entraîne peu à peu sur la voie de l’indépendance…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Marié par correspondance est le 3e roman graphique signé Mark Kalesniko (Alex), à nouveau publié dans l’excellente collection Ink des éditions Paquet. Plus qu’un choc culturel entre deux civilisations, cette relation matrimoniale contrainte dépeint deux conceptions de la vie. En pleine guerre des sexes, Monthy et Kyung n’ont ni les mêmes valeurs morales, ni les mêmes besoins personnels. Opposés sur tout, ils ont néanmoins définitivement besoin l’un de l’autre. Kyung parce qu’elle a pris goût à une vie sociale et culturelle bien supérieure à celle de sa vie d’antan. Monthy parce que sa faiblesse légendaire ne saurait supporter le regard des autres en cas de rupture. Construit sous forme de crescendo, à l’aide d’un dessin simple et efficace, le ton du récit monte jusqu’à un paroxysme inévitable et libérateur. Les caractères sont certes un peu caricaturaux. Monthy, adolescent attardé au dernier degré ne vit que par sa collection de jouets et refuse de changer un iota à ses habitudes de vieux garçon. Il a beau accumuler les tares, on ne parvient pas à le détester complètement. En dépit de sa psychorigidité, son absolue non violence lui confère beaucoup de sympathie. De son côté, Kyung épouse avec emphase les travers du féminisme revendicateur. Mais au terme de ces 264 pages en noir et blanc, on a beaucoup réfléchi sur la vie de couple, le rapport à l’autre, la différence et les limites à la tolérance. Joli coup.