L'histoire :
C’est l’heure d’une grande fête, dans cette bourgade perdue du désert de l’Arizona. Un jazz-band joue dans la rue, les habitants dansent… Mac se demande ce qu’il fiche ici. Il se laisse emporter par le rythme, puis porter triomphalement jusqu’au bureau du shérif. Il n’a rien demandé à personne et se demande ce qu’on attend de lui. Le shérif lui donne une carte et lui indique sa destination : le pic de l’aigle. S’il l’atteint, il sera sauvé. Après une dernière recommandation – celle de ne pas se fier à la carte ! – il lui assure qu’il aura dix minutes d’avance. Dix minutes d’avance sur quoi ? Sur qui ? On lui fourgue un sac à dos, un collier de fleurs et une clé géante. Puis on le presse jusqu’à la ligne de départ… qu’il franchit. La foule en liesse lui scande : « Cours, cours, cours ! ». Mac prend donc ses jambes à son cou et trace tout droit à travers le désert. Au terme d’un sprint effréné de 10 minutes, il se retourne. Au loin, un homme est parti et se dirige en marchant droit vers lui, une carabine à la main. Serait-ce le mystérieux barbier borgne qui le dévisageait quelques temps auparavant ? Mac regarde le contenu de son sac à dos : Un panneau stop, un disque de sons, des dollars, une allumette… Il n’a pas le temps de se griller une clope qu’un coup de feu lui arrache l’allumette des mains. Il est pris pour cible !
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Tale of sand a été écrit dans les années 60 et 70 pour être un film, une comédie dramatique surréaliste, qui n’a finalement jamais été tournée. Les auteurs Jim Henson et Jerry Juhl ont en effet vite été accaparés par leur série à succès pour le petit écran, Le muppet show (puis Fraggle rock). Emballé par l’histoire et surtout par le traitement qu’il était possible d’en faire, le canadien Ramon K Perez a ressorti le manuscrit des cartons et se l’est approprié avec l’accord des ayants-droits (les scénaristes sont aujourd’hui tous deux décédés). Il en a livré (en 2011 en VO) cet étonnant et épais album, qui se situe bien en marge des normes du 9ème art. Car le traitement graphique prime ici nettement sur le scénario, surréaliste et loufoque. La trame montre un homme qui participe à une quête-poursuite un peu bizarre, dans un décorum de far-west aride. Il est en effet amené à faire des rencontres et à vivre des évènements tous plus improbables les uns que les autres. Attaques de requin, de lion, d’hindous, de chars d’assaut, intervention de la cavalerie, d’un footballeur, de toilettes ascenseur, de camion-bennes remplis de champagne… L’imprévisible et le saugrenu sont clairement les premières raisons d’être de ces aventures. Et il ne faut guère compter sur les dialogues pour donner un minimum de raison à tout cela : ils sont très peu nombreux et à vrai dire franchement secondaires. En contrepied de ce scénario linéaire, le découpage des cases, souvent séparées par de simples traits (et non des marges), est explosé, anarchique, inventif et de fait, très dynamique. C’est donc forcément dans un savant désordre qu’on suit les pérégrinations de « Mac » (le pseudo du héros se découvre dans les croquis de fin d’album) et ça n’est pas plus grave que cela. Dans cet album, l’« impression » des faits a plus d’importance que leur chronologie précise. Et le trait encré semi-réaliste, complété par une colorisation souvent bichromique, se montre fort élégant. Cette expérience de lecture onirique, pas inintéressante, a été récompensée de nombreux, prix outre-Atlantique (dont 3 Eisners Awards !).