L'histoire :
Faisons tous ensemble un bon dans le temps. La société futuriste est divisée en plusieurs castes. Tous les individus sont conçus artificiellement grâce à des machines. En grandissant, on les conditionne à un mode de pensée et de réaction. Il faut garantir la pérennité d'un système qui ne tolère aucune rébellion. Le grand Ford a tout pensé pour assurer le bonheur perpétuel aux citoyens. Chacun a une fonction. Personne ne connaît l'ennui, la tristesse, la souffrance ou la vieillesse. Un peu de drogue légale et ensuite tout va encore mieux. Tu appartiens à tout le monde et par conséquent, tu peux faire l'amour avec n'importe qui. Pas de secret, pas de tabou. Tu respectes l'ordre et tu ne fais pas de faux pas. C'est tout ce qui est demandé. Qui pourrait bien en faire ? Il y a parfois des aléas. C'est le cas de Bernard, différent physiquement. Il veut ressentir, vivre des choses plus pleinement. Pourquoi ne serait-ce pas possible ? Pourquoi personne ne le comprend ? On ne peut totalement penser en dehors du cadre. Le jeune homme part en congé quelques jours avec une jeune femme, Lenina, qui lui a tapé dans l'œil. Grâce à son statut, il lui propose l'aventure d'une réserve du Nouveau Mexique, isolée par une barrière électrique. Les gens y vivent comme des sauvages et se vouent à un culte rétrograde. Quelle n'est pas leur surprise de rencontrer John, qui parle anglais. Il est le fils naturel de deux personnes de la communauté supérieure. Linda a été oubliée dans cet espace arriéré pendant tellement d'années. Avec son fils, elle pourra enfin retourner dans son monde et profiter à nouveau de ce qui lui permettait d'être heureuse. Un juste milieu est-il impossible ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le roman Le meilleur des mondes d'Aldous Huxley est paru en 1932. Dorénavant, c'est une œuvre culte, un incontournable. Comment pourrait-il en être autrement ? L'œuvre aborde en effet des thèmes indémodables sur l'hédonisme, le contrôle, l'influence... Avec l'évolution des technologies, l'histoire est encore plus vraisemblable. Cette adaptation BD au format comics et couverture souple, par l'anglais Fred Fordham, est une autre façon de découvrir une aventure singulière. En matière d'adaptation, Fordham n'en est pas à son coups d'essai. Il a déjà à son compte Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur d'Harper Lee, Gatsby le Magnifique de Francis Scott Fitzgerald et John Blake de Philip Pullman. A nouveau, il change d'identité visuelle pour donner une nouvelle vie à cette fiction qui interroge l'humanité, ses dérives sociétales et scientifiques. Impossible de rester insensible face à ce qui impacte de plein fouet notre imaginaire. Inspiré par moult références cinématographiques de la science-fiction, le trait épuré va à l'essentiel. Cet aspect un peu froid et distant souligne l'aseptisation de la société. Les sentiments sont bannis. On ne peut jamais tout retranscrire, mais l'essentiel y est. La séquence avec la visite guidée de l’Institut d’Incubation et de Conditionnement de Londres-Centre nous fait frissonner, tout comme elle fascine. Venir au monde grâce à des machines est ici ordinaire. Tout est question de point de vue. L'omniprésence du sexe renvoie aussi à notre organisation sociale, dans laquelle il joue un rôle important. Pratiqué avec l'accord de l'autre, sans jugement, sans interdit, pourquoi y aurait-il problème ? En plus avec le Soma, l'expérience est encore plus forte. Plus de problèmes d'harcèlement, d'agression, de viol... Pour la pédophilie, on en reparlera plus tard ! Les références à Thomas Malthus ou Henry Ford sont soulignées. Cette dystopie impactante ne laisse personne indifférent. Elle étonne autant qu'elle rebute. Plus d'un lecteur ira (re)lire l'œuvre originale.