L'histoire :
Par un froid glacial, un auteur de BD écrit un scénario, bien au chaud, chez lui. Tout à coup, apparaît un fantôme : il s’agit de l’éternaute, ou voyageur de l’éternité. Celui-ci commence à faire le récit de son extraordinaire aventure. Dans une maison à Buenos Aires, quatre amis se sont réunis pour jouer aux cartes : Favalli, professeur de physique atomique, Lucas, employé de banque, Polski, un retraité, et Juan Salvo, le maître de maison. Mais la partie de cartes est brusquement interrompue : dehors, une lumière, un souffle, le silence absolu. Les hommes se regardent, hébétés. Une neige phosphorescente, radioactive et mortelle, commence à tomber. Des milliers de cadavres jonchent les rues désertées de Buenos Aires : l’apocalypse semble s’être abattue sur le monde. C’est le début d’une catastrophe sans nom, le prélude tragique à une invasion extraterrestre qui va peut-être sonner le glas de la planète Terre… Dans ce marasme, Juan et les autres pourront-ils survivre ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après une édition intégrale publiée en trois volumes par Vertige Graphic, l’éditeur Rackham édite la seconde version datant de 1969 (la première date de 1957 !). Entre temps, l’auteur argentin Hector Oesterheld est resté aux commandes, en revanche le dessinateur a changé. Francisco Solano Lopez laisse en effet sa place à Alberto Breccia. Outre un dessin différent, l’auteur livre pour la seconde version un scénario plus elliptique et moins bavard. L’éternaute est à bien des égards une œuvre majeure d’anticipation. Publiée dans le contexte de la course à l’armement nucléaire, l’éternaute est à la fois un écho fantasmé des tragédies du 20e siècle (les Guerres mondiales, Hiroshima, Nagasaki) et un précieux témoignage, en creux, des peurs et angoisses suscitées par la guerre froide. C’est aussi une critique sur le destin politique de l’Argentine, en proie à la dictature à cette époque. Intemporelle, visionnaire et avant-gardiste, cette BD propose in fine une réflexion intelligente sur le devenir du monde et ses possibles déclinaisons crépusculaires ou (post)apocalyptiques. Les enjeux y sont nombreux : il y est question du destin, du libre-arbitre, du Temps, de l’impérialisme… Quant à Oesterheld, auteur méconnu et pourtant brillant docteur es rebondissements, il se distingue à chaque fois par l’attention portée au sens des mots et par un art maîtrisé du suspens. Cette version de 1969 se singularise par un scénario plus synthétique, une narration plus directe et un trait moins conventionnel, du plus bel effet. Au petit jeu des comparaisons, on préférera néanmoins la version éditée par Vertige Graphic, présentant un trait certes plus classique, un peu désuet même, mais plein de charme. Le scénario prenait aussi le temps de se poser les bonnes questions (trois volumes de 120 pages environ chacun). Cette version de 1969, en one-shot, reste néanmoins vivement conseillée. Oui, L’éternaute est un trésor caché de SF, riche de sens et de questionnements : à (re)découvrir d’urgence !
