L'histoire :
Sur un littoral austère, par une météo grisâtre, une femme sort nue de la mer en tirant derrière elle une grosse corde, à laquelle est accroché un panier d’anguilles. C’est Margot, une solitaire un peu simplette et bizarre, qui vit du produit de sa pêche. Elle rejoint son embarcation, s’habille, monte la voile et se dirige vers un ponton. Une fois dans son cabanon, elle se fait cuire une marmite pleine d’algues grises et avale cette immonde mixture. Le lendemain, elle déverse son panier d’anguilles dans une caisse. Ce faisant, elle glisse et s’étale de tout son long dans la vase, ce qui lui vaut les moqueries des occupants d’une barque passant à quelques brasses de là. Elle met ensuite le cap sur le village. Sur le marché du port, elle vend ses anguilles à la criée. Une fois cela fait, elle boit un petit coup et accepte de participer à un jeu simple : les autres pêcheurs la font sauter avec un drap. Mais ce jeu est mesquin : ils en profitent pour récupérer les sous qu’elle a gagnés et qui tombent de ses poches ! Elle s’en aperçoit… mais pendant qu’ils la font sauter, elle ne peut rien faire. Ils finissent d’ailleurs par la faire sauter dans la mer. Margot est écœurée… une fois de plus. Elle rentre chez elle avec la rage et une infinie tristesse au cœur…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Bienvenue dans l’indigence intellectuelle et matérielle du XVIème siècle fantasmée par le peintre Pieter Brueghel l’ancien, qui peignit en 1562 l’huile sur panneau de chêne Dulle Griet. Sur cette représentation célèbre, on voit une femme, avec un regard de folle, traverser un paysage apocalyptique empli de monstres, de ruines et de feu, armée d’étranges ustensiles, comme si elle bravait les enfers munie de son maigre matériel. Ici, l’acteur britannique Jim Broadbent (qu’on a pu voir dans Harry Potter, Indiana Jones, Game of Thrones…) s’est mué en scénariste. Il a voulu faire sa propre interprétation de cette figure féminine et de cette vision infernale sordide, se rapprochant un tantinet de ce tableau de Brueghel réputé impossible à interpréter de manière exhaustive. Nous suivons donc Margot, une ermite sans âge, pêcheuse d’anguilles, ignare et un peu tarée, dans sa lutte quotidienne pour survivre. Le dessinateur Dix (un pseudo ? inconnu au bataillon…) met docilement en scène ce terrible portrait, lui attribuant un faciès de trisomique, un décor toujours sinistre, un environnement toujours glauque et des nuages toujours gris. Le vocabulaire limité de cette femme présente à chaque case, qu’elle répète en boucle pour souligner ses idées courtes, donne la vision du degré zéro de l’humanité. Ce qui n’empêchera pas le lecteur de compatir sur son cas. En outre, la tranche de vie que Broadbent interprète sur le plan narratif n’a pas franchement vocation à améliorer son sort. Margot surprend néanmoins par ses pratiques inattendues. Sorcellerie, alliances malsaines, mets infects, torture gratuite… Brrr ! On se sent bien dans notre XXIème siècle développé occidental !