L'histoire :
1980 : James et Hilda, couple britannique mignon tout plein, ayant dépassé la soixantaine, vit tranquillement à la campagne dans leur maison du Westmeston, dans le Sussex, depuis une vingtaine d’années. Ce matin-là, James a été à la bibliothèque lire les journaux et a ramené quelques consignes liées à la probabilité d’une alerte à la bombe nucléaire. Le gouvernement en en effet édité et distribué à tous les habitants une notice intitulée « Protéger et Survivre ». Car le conflit entre les russes et la Grande Bretagne est arrivé à son acmé, dans cette nouvelle guerre froide qui ne dit pas son nom. Sans trop stresser, ni se précipiter, ces deux-là se mettent en tête de se protéger à l’aide de quelques parois en bois à leur étage, et font une petite réserve. Les consignes que James a reçues semblent claires et assez précises, mais il va s’avérer que tout cela n’est pas vraiment à la hauteur de l’évènement qui va se produire...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le trait de Raymond Briggs, âgé de 90 ans, rappellera certainement quelque chose aux habitués des bibliothèques municipales. Son style très british, au crayon à l’encrage fin et aux couleurs douces, sur un dessin proposant des personnages tout en rondeur, évoque celui des journaux anglais de ces années-là et dans une certaine mesure le style des premiers dessins presse de Posy Simmonds. Dans ce conte assez dramatique, l’auteur nous propose un déroulé continu, par le truchement de cases divisées en sept bandes la plupart du temps, quand quelques évocations du passé bénéficient d’illustrations aérées s’étalant sur les pages. Ou, plus régulièrement, un rappel de la situation assez désespérée, avec un dessin sombre montrant les forces en jeux. Les couleurs des bandes, quant à elles, très expressives et joyeuses au début du récit, passent petit à petit, et davantage encore après la page 21 et l’éclair nucléaire, à des couleurs marron puis de plus en plus sombres, tandis que les personnages perdent quelque peu leur assurance, mais surtout leur physique, se dégradant malgré eux. On rit beaucoup dans les premières pages du récit, car les deux protagonistes sont ridiculement décalés face à la situation et sont restés sur leurs réflexes des années quarante. Il faut reconnaître un style fleuri particulièrement savoureux à Raymond Briggs. Néanmoins, celui-ci a vécu enfant les alertes du Blitz, puis s’étant impliqué au sein du CND, la Campagne pour le désarmement nucléaire durant la seconde guerre froide dans les années 1980 de Margaret Tatcher. Il connaît donc bien le sujet traité. C’est ainsi que, sous l’humour, perce la critique d’un gouvernement ayant très mal préparé les habitants à une situation aussi tragique. Cet album, une des rares bande dessinée de l’auteur, paru en 1982 en Grande Bretagne, nous est proposé pour la première fois en langue française. Un texte biographique et critique de Paul Gravett conclut ce bijou, superbe exemple de ce que la bande dessinée classique anglaise peut proposer.
