L'histoire :
Une créature semblable à nulle autre vient d’être découverte au cœur d’un marais de Louisiane. Jason Woodrue, un brillant botaniste, est dépêché sur les lieux par son employeur, la Sunderland Corporation, pour étudier ce phénomène hors du commun. Très vite, le scientifique prend conscience que cette aberration végétale est habitée par la mémoire d’un homme : Alec Holland ! Cette découverte éveille sa curiosité du chercheur ainsi que celle de son patron qui décide alors de s’approprier ses propriétés exceptionnelles. Mais le monstre végétal n’entend pas se laisser faire ! Débute alors pour la créature une quête d’émancipation de l’humanité qu’elle aura trop longtemps rêvée…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Encore inconnu du grand-public à l’orée des années 1980, Alan Moore, quand il arrive sur la série Swamp Thing en 1983, n’éveille pas la curiosité des lecteurs de l’époque. Or, dès les premières pages de Swamp Thing #20 (qui est le point de départ de ce recueil), le scénariste prend le contre-pied de tout ce qui a été fait auparavant par Len Wein et ses successeurs et se permet même le luxe de reprendre le personnage à son compte, quitte à dynamiter les idées de son illustre prédécesseur. Ainsi, le tout jeune Alan Moore va mettre en place des éléments de narrations graphiques novateurs pour l’époque et développer dans l’esprit de la créature une quête d’émancipation de l’humanité auréolée d’une poésie sombre. Alternant des scenarii horrifiques (Par Le Diable Poussée) à des envolées oniriques (Entre Deux Eaux) tout en passant par des récits bruts de décoffrage (Mort Et Amour), le scénariste fait montre d’une créativité et d’un savoir-faire indéniables. Du coup, le personnage de Swamp Thing gagne en épaisseur (il était en quête de son humanité du temps de Len Wein, il cherche maintenant à s’en émanciper pour s’accepter en tant que créature végétale) et les histoires à tiroirs permettent au lecteur d’avoir plusieurs prismes de vision sur la personnalité du monstre des marais. Qui plus est, les éléments recherchés de narration d’Alan Moore apportent une ambiance singulière à l’ensemble, notamment dans la mise en avant des textes et même des silences. À ce titre, on peut saluer l’excellent travail d’illustration de Stephen Bissette qui, avec des traits nerveux et des mises en page audacieuses, fait honneur aux scénarii du jeune Moore. De plus, il est à noter que l’encrage appuyé de John Tottleben et les couleurs vives de Tattjana Wood permettent de mettre en relief des atmosphères plutôt crues, mais collent à merveille à l’ambiance poisseuse de l’univers de Swamp Thing. Oui, il y a comme un souffle nouveau dans les marais de Louisiane… Au final, ce pavé de 448 pages qui comprend les numéros les plus marquants de la série Swamp Thing est un petit bout d’histoire du comic book des années 1980 et un excellent moyen de (re)découvrir le personnage de la créature du marais sous la houlette d’Alan Moore, débutant d’alors mais déjà prêt à convoler avec le succès qu’on lui connaît aujourd’hui.
