L'histoire :
Le cœur du marais est paisiblement endormi à l'image d'Abby Cable dont le corps repose étendu auprès de son compagnon végétal. Mais le calme des lieux n'est que temporaire et avec la nuit qui s'infiltre doucement dans les veines des marécages, un vagabond va faire la rencontre d'un étrange personnage. Le visage dissimulé par la pénombre, il propose à son interlocuteur alors à sec de son précieux tord boyau de goûter à son propre breuvage. Cependant, ingérer des résidus de déchets nucléaires n'est pas au goût de tous les métabolismes et le pauvre homme se fane progressivement telle une rose plongée dans un puissant pesticide. Qui est donc cet homme monstrueux qui se délecte de produits toxiques ? Pour la créature des marais, c'est la première étape d'un voyage à travers le territoire américain dans les méandres de l'étrange. En pleine quête existentielle, il va alors faire la rencontre d'un homme auréolé de mystères lui proposant d'apporter des réponses à ses questions en échange de quelques services. Mais ce John Constantine est loin d'être un altruiste candide et les missions qu'il propose sont toujours des plongées au cœur d'un mal profondément ancré qui ronge l'Amérique.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ce deuxième recueil des aventures horrifiques de la créature des marais à la sauce Alan Moore était attendu à double titre par les fans du célèbre et fantasque barbu. En effet, on y assiste à un moment historique avec la première apparition du célèbre magicien et détective de l'occulte, le sarcastique John Constantine avec sa cigarette coincé nonchalamment au coin des lèvres. Mais ce volume comprend en plus les épisodes qui composent le mythique arc narratif connu sous le titre American Gothic et qui marque l'apogée de la saga. L'horreur transpire toujours à travers la moiteur poisseuse du marais mais le scénariste anglais y ajoute des ingrédients dont il a le secret. De simples récits d'épouvante, il transfigure le destin de la créature pour en faire un observateur des véritables horreurs qui pourrissent dans les moindres recoins de l'Amérique. De divertissement pour lecteur en soif de frissons, le propos devient clairement politique en évoquant par exemple les questions de racisme ou bien encore les désastres écologiques. Le récit est à son image : à la fois anarchiste assumé et adepte des sciences de l'occulte, il ajoute à l'histoire une pincée de psychédélisme qui parachève la construction de cet inquiétant cauchemar. A cela s'ajoute la noirceur crasseuse des dessins de Stephen R.Bissette qui sont clairement très marqués années 80. Son graphisme précis et chargé crée une atmosphère lourde qui rend la plongée dans l'horreur encore plus traumatisante pour le lecteur avec ses planches déstructurées de façon grandiose. Comme quoi l'horreur peut parfois être magnifique…