L'histoire :
Ombre est à l’ombre et il a plusieurs années à tirer pour coups et blessures. Maintenant, il a compris la leçon : plus de conneries, plus de dérapages et peut être qu’il pourra sortir avec une réduction de peine pour retrouver sa vie d’avant. Alors, il ne se fait pas remarquer et adopte une attitude exemplaire. Il bouquine, se cultive, fait du sport. Trois années passent et il a un entretien : ça sent bon la libération. On lui pose un tas de questions auxquelles il répond franchement. Il sait qu’à l’extérieur, tout ce qu’il a connu auparavant l’attend. Sa femme est impatiente de le retrouver et il sait que son ami le reprendra dans la salle de musculation pour qu’il puisse travailler. Pourtant, un doute terrible l’étreint. Il sent que quelque chose cloche. Il téléphone à sa femme et elle confirme qu’elle a organisé son retour à sa libération. Ombre est soulagé. Quelques jours avant la quille, c’est le directeur qui le reçoit cette fois. Y aurait-il une petite ombre au tableau ? Pourtant, c’est une bonne nouvelle qui l’attend : il est libéré dès aujourd’hui. Cependant, elle est accompagnée d’une très mauvaise nouvelle…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
American Gods est certainement l’œuvre la plus mystique et la plus vénérée de Neil Gaiman. Le roman de l’auteur prolifique sorti en 2001 voyage dans tous les genres et supports : adaptation en comics en 2016 puis en série télévisée en 2017. Urban réédite la version comics dans un beau format dur qui s’apparente presque à un livre de luxe. Un bon choix pour cette œuvre inclassable, mystérieuse et fascinante. A l’image d’Ombre, le lecteur se déplace de saynètes en saynètes comme un fantôme, voyageant dans l’Amérique et cherchant un sens à tout cet étonnant galimatias. Normal me direz-vous : l’homme a perdu la compréhension essentielle des Dieux. Il faut donc rechercher à nouveau le sens métaphysique de toute chose. Et pour cela, rien de tel que la plume onirique et habitée de Gaiman. Qu’on se le dise : le comics est d’une densité folle, exigeant et fourni comme Sandman mais l’auteur britannique va encore plus loin dans le non sens. On passe d’une scène d’autopsie à un voyage dans l’antre de la Terre, d’une réflexion économique sur la télévision à une partie de dames de la mort, d’une analyse historique sur l’exploration des États-Unis à un tour mémorable de carrousel sans oublier de longues digressions sur des contes ou histoires anciennes. L’opacité des passages se double d’une énigme sur les personnages qui sont en réalité autant de représentations modernes des Dieux antiques : Ombre nous fait redécouvrir Odin et la mythologie nordique, Ibis et la mythologie égyptienne, le Djiin… Comme Ombre, personnage principal à la fois vide d’émotions et pourtant si riche et si profond, le récit, superbement dessiné par le style froid et chirurgical de Scott Hampton, reste pourtant passionnant. Hermétique et difficilement accessible, le texte de Gaiman et P. Craig Russel provoque néanmoins une émotion rare et une fascination magnétique. Tout est fait avec une intelligence et une finesse absolues, même les scènes de sexe deviennent d’une beauté fulgurante. Arriver à ce résultat est un véritable tour de magie… la vraie marque des Dieux !
