L'histoire :
Dans un bout de désert, au Texas. Un homme effectue une ronde avec son 4/4. Il passe un panneau sur lequel il est inscrit, en anglais et en espagnol, que les intrus seront abattus. Il roule depuis un moment, le soleil se couche. C'est alors que son regard est attiré par un objet qu'il aperçoit le long de la piste. Il descend du véhicule et laisse échapper un juron. Le voici désormais accroupi, en train de scruter ce qu'il reste de la tête d'un cheval. Le pauvre animal a été écorché et ses orbites sont vides. L'homme décroche son mobile et appelle son boss. Liddy est la propriétaire du ranch et de ses terres. C'est une veuve et elle comprend que cette tête de cheval, c'est le signal qu'un cartel lui adresse, pour lui faire comprendre que ses panneaux d'avertissement ne les impressionnent pas et qu'ils ont décidé, d'une façon ou d'une autre, de prendre un itinéraire qui passe par chez elle... De l'autre côté du continent, à San Pedro Sula, la seconde ville du Honduras, Oscar est un jeune homme qui va fuir le pays. Le meilleur avenir qu'il puisse se construire, c'est aux États-Unis qu’il le projette, alors il embarque dans un camion et commence un long périple qui va le conduire jusqu'à Liddy...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Brian K. Vaughan a le chic pour signer des récits singuliers. Y le dernier homme, Saga, Pride of Bagdad ou Ex Machina ont marqué les esprits. Il signe avec Marcos Martin au dessin et Munsta Vicente aux couleurs un nouvel essai, encore au format à l'italienne, après The Private Eye, récit d'anticipation qui soulève la question de la place de l'informatique dans nos vies... Avec Barrier, c'est celle de l'immigration qui trouve de quoi nourrir le trio d'artistes. Les auteurs ont en effet choisi de faire ensemble des histoires qui questionnent nos sociétés et nos temps modernes. Ça commence comme un méchant polar noir, avec cette scène introductive dans laquelle la tête décharnée d'un cheval rappelle aussi l'oreille du Blue Velvet de David Lynch. Puis la seconde scène introduit Oscar, le latino en fuite et la narration bascule à la limite du reportage, avec l'intégralité des dialogues en espagnol brut, c'est à dire non traduit. La démarche est d'inciter le lecteur à s'immerger dans la langue pour mieux comprendre le parcours. La méthode vaut ce qu'elle vaut, mais vous voilà avertis. Puis l'album switche dans une autre dimension, qu'on est obligé de révéler. Attention spoiler : on est embarqué aussi brusquement que le sont Oscar et Liddy, dans une histoire à la Rencontre du troisième type. L'exercice de style est brillamment réussi : on ne s'ennuie pas une seconde, le visuel est époustouflant et le duo de personnages marche bien. Barrier ballade le lecteur d'une atmosphère à l'autre, comme l'histoire ballotte les personnages, qui sont pétris de détermination mais semblent voués à un sort qui leur échappe totalement. Barrier, c'est une curieuse mais belle histoire, sublimée par la maîtrise du story-telling de Marcos Martin. Une œuvre ambitieuse qui s'avère très surprenante et a pour elle l'originalité et l'esthétique.
