L'histoire :
Charlie Chan Hock Chye est né en 1938 à Singapour et a mené toute sa vie durant une existence marquée du sceau de la bande dessinée. S’il a aujourd’hui dépassé les 75 ans, son amour pour le médium reste intact, et c’est avec une véritable jubilation que nous parcourons la trajectoire de cette histoire parallèle d’une bande dessinée encore trop méconnue. La biographie de l’auteur, mise en forme par Sonny Liew, mêle avec brio extraits des publications d’époque, peintures, photographies et autres esquisses afin de nous dresser le portrait le plus complet de celui qui fut « peut-être (…) destiné à devenir le plus grand dessinateur de BD de Singapour. ». À l’image des chefs-d’œuvre autobiographiques (ou assimilés) d'Osamu Tezuka ou Shigeru Mizuki, au-delà du destin individuel, c’est le récit de l’histoire d’un pays tout entier qui va se révéler à la lecture de l’ouvrage. Un pays où la liberté d’expression n’a cessé d’être remise en cause et où le travail d’auteur de bande dessinée consiste aussi à témoigner des situations les plus critiques.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La vie de Charlie Chan Hock Chye, de par sa persévérance, son abnégation et sa foi en la bande dessinée, est un bouleversant témoignage. De l’influence inaugurale d'Osamu Tezuka au strip animalier en passant par le récit de super-héros, la science-fiction, l’autobiographie… toute sa création a accompagné les multiples ramifications du « 9ème art ». Chacune de ses publications, si elle se soumettait à la loi du divertissement, n’omettait jamais d’intégrer un second niveau de lecture plus social ou politique. Il est délectable que les clés de chacun des récits nous soient offertes par des mises en perspective des multiples documents d’époque. Cette Vie dessinée est d’autant plus impressionnante qu’elle n’est en fait qu’un faux inventé avec talent par l’auteur malaisien Sonny Liew. Non, Charlie Chan Hock Chye n’a jamais existé et pourtant il prend vie avec force dans cet ouvrage. Avec une méticulosité inouïe et une palette graphique étonnante, Sonny Liew parvient à agrémenter le parcours de son personnage en l’illustrant avec nombre de faux documents dont la patine, la texture, semble prouver leur existence. On est souvent émerveillé par la découverte d’une couverture d’un fascicule d’époque sur lequel le temps semble avoir laissé ses traces. De l’hommage à l’histoire de la bande dessinée (Tezuka, Spider-Man…), en passant par une description minutieuse des changements politiques qui ont jalonné l’existence de Singapour, l’auteur parvient avant tout à créer un récit dont le rythme, à l’image de l’appétence de son personnage, ne s’amoindrit jamais.