L'histoire :
Christopher Chance a un métier bien spécial. Particulièrement doué dans les combats et maniement d’armes à feu, il opère dans des contrats d’un genre nouveau. En effet, il propose ses services pour remplacer son employeur qui est menacé de mort. Pour se faire, il prend sa place et se déguise pour devenir la nouvelle « cible humaine ». Il remplace ainsi le révérend Earl James. Ce pasteur noir est menacé par un cartel de drogue du quartier qui n’aime pas beaucoup ses sermons. Earl tente en effet de raisonner ses fidèles pour éviter que les jeunes ne tombent dans la drogue. Lors d’un discours virulent sur la foi, Christopher, déguisé en Earl, est attaqué par une série de truands armés jusqu’aux dents. Le faux pasteur révèle alors sa véritable identité et sort également ses armes. Une longue fusillade s’engage en pleine église et la cible parvient à en sortir indemne, comme toujours. Pourtant, Chance est tellement perfectionniste qu’il finit par vivre comme celui qu’il imite et ne fait presque plus de différence avec lui-même. Même l’entourage de l’employeur est désarçonné devant cette reproduction parfaite. C’est le cas de Bethany James qui ne sait plus très bien si c’est un étranger ou si c’est son mari. Chance lui-même semble de plus en plus perturbé par ses séries de déguisements. Il a du mal à savoir qui il est vraiment.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Christopher Chance est apparu pour la première fois dans les années 70 : ce héros qui prend l’apparence physique de personnes menacées de mort, Chance est aussi un nettoyeur. Ce mélange improbable entre un justicier et une sorte d’acteur de théâtre, sorte de croisement entre James Bond et le Caméléon, offre pas mal de possibilités. Peter Milligan l’a bien compris et offre une reprise du personnage moderne et intelligente. Cette première intégrale recueille cinq grandes histoires de ce personnage dont certaines, plus longues, sont divisées en plusieurs chapitres. Milligan apporte une bonne dose d’actions au récit et livre un polar nerveux et rythmé. Chance est devenu un justicier qui canarde à tout va et ne fait pas dans le détail. Il faut dire que, face à lui, il a de sacrées ordures : un chef de cartel, un producteur d’Hollywood véreux, un maître chanteur dans le sport… Le ton est souvent très pessimiste et l’on ne se fait aucune illusion sur la nature humaine tant les manipulations et malversations sont sombres et violentes. C’est d’autant plus noir que les aventures de Chance se basent sur des situations que l’on connaît bien comme le cinéma, le sport avec même une parenthèse sur le fameux 11 septembre. Même Christopher Chance devient trouble et presqu’inquiétant à certains moments. Milligan réutilise habilement le personnage pour multiplier les passages psychologiques et les introspections vertigineuses. En effet, comment ne pas se poser la question de la vacuité de l’existence et de sa véritable identité quand on change de visage plus souvent que de chemises ? C’est ainsi que le scénariste nous réserve quelques surprises de taille sur le devenir de Chance qui va littéralement changer de personnalités puis d’identité. Milligan joue énormément sur l’effet de surprise grâce à un scénario des plus subtils. Malheureusement, il finit aussi par nous perdre tant les idées sont parfois tordues et complexes. Il faut également reconnaître que certaines histoires ne sont pas toutes au même niveau et que l’intensité baisse dans les derniers récits. Toutefois, le ton est très original et ultra moderne, à mi-chemin entre la fluidité de Scott Snyder et le côté provocant de Garth Ennis, et ce, alors que la série est sortie au début des années 2000. Pour le dessin, le trait du regretté Edvin Biukovic est particulièrement moderne et efficace pour ce type d’histoire. Javier Pulido prend ensuite la relève sur les autres histoires mais avec un graphisme plus rond et beaucoup moins nerveux et envoûtant que le précédent. Un récit original au parfum moderne pour un héros pas comme les autres… alors qu’il ne vit que pour imiter les autres.