L'histoire :
1982. La ferveur et la musique militaire inondent Portsmouth, tandis que la foule regarde les forces de la Royal Navy prendre la direction des Malouines. C'est le plus grand rassemblement naval de l'Angleterre depuis Suez. Il inclut des frégates, des destroyers, des sous-marins et des porte-avions, à bord desquels officient des soldats des Royal Marines, des services spéciaux ainsi que des parachutistes. Tous se sont déclarés prêts à accomplir la tâche pour laquelle on les a entraînés. Tous se disent déterminés à faire couler le sang argentin s'il le faut. Soutenus par les femmes et leurs proches qu'ils laissent derrière eux, ils portent leur message à l'ennemi : la Grande Bretagne ne plaisante pas... John Constantine regarde cette démonstration de force sur le petit écran. Il allume sa clope, se lève et explose le poste de télé d'un grand coup de pompe. Hors de lui, il prend une poignée de psychotropes et les avale, noyés dans quelques gorgées d'alcool. Le comble, c'est que c'est lui qui est sous traitement, alors que le monde entier est fou. Cela fait quatre fois en quatre ans qu'il a été interné en psychiatrie, et la dernière fois qu'il en est sorti, on l'a mis au défi de tenir plus de six mois...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Cette intégrale des épisodes écrits par Jamie Delano prévue en 5 volumes poursuit son infernal chemin. Et c'est une douce gifle qui attend le lecteur, comme un rappel de la qualité des comics britanniques des années 80. On commence ce pavé avec Le Maudit Saint (#1 de l'Annual du personnage), une histoire époustouflante, dans laquelle le scénariste fait le grand écart entre l'Angleterre de Thatcher et le mythe Arthurien. Cheery on the cake : on y découvre les origines millénaires de Constantine. Le dessin de Brian Talbot est également éblouissant, qu'il s'inscrive dans l'architecture de Londres ou dans des fresques moyenâgeuses. Puis vient la pièce-maîtresse de ce volume : The Horrorist, une histoire à glacer le sang, illustrée par David Lloyd. La centaine de pages que signe le légendaire dessinateur du non moins légendaire V pour Vendetta est un écrin digne du bijou de la prose de Jamie Delano. Le tandem fonctionne à merveille, avec des passages qui sortent du pur séquentiel : bien des pages sont construites comme un texte illustré, ce qui renforce la dramaturgie, voire même parfois une forme de poésie sombre qu'un Neil Gaiman n'aurait pas reniée. C'est d'une puissance folle, aussi folle que ce personnage féminin que Constantine traque, aussi folle que leur relation, aussi folle que la description de notre monde. Sombre, d'une froide violence et à la fois poétique, cette histoire donne ses lettres de noblesse au personnage. Puis vient le gros morceau question pagination (240 pages) : La fabrique de la peur, qui porte bien son nom et marque l'intégration de Constantine dans une communauté de marginaux, alors qu'une organisation mystérieuse utilise à de bien vilaines fins l'énergie des lignes de Ley (vous ne savez pas ce que c'est ? Ce bouquin vous en donnera donc un aperçu). Côté dessins, Mark Buckingham et Alfredo Alcala font un taf formidable, qui fait même parfois penser au style de P.Craig Russel. Enfin, les deux derniers chapitres (Plus vrai que nature et Le Père de Famille) mettent en scène un terrifiant tueur en série et c'est l'occasion aussi pour le scénariste de mettre en abîme son personnage parmi ceux de la littérature fantastique, puisque Constantine y côtoie le plus fameux de tous les enquêteurs anglais : Mister Sherlock Holmes ! Fantastique, c'est le terme qui convient à cet album !