L'histoire :
Un policier marche dans les rues de New York en 1975 et rencontre un homme transi de froid qui dort sur un banc. Il l'amène à manger avec lui dans un petit restaurant. Le clochard lui avoue qu'il est l'artiste qui a créé le célèbre Superman. Pour lui prouver que c'est vrai, il sort une feuille et dessine l'homme d'acier ! Le policier veut comprendre son histoire et comment il s'est retrouvé dans la rue. Joe Shuster lui raconte comment sa mère a fui la Russie, sa misère et ses pogroms. Elle arrive alors à Rotterdam et est hébergée par un couple de juifs russes. Elle tombe amoureuse d'un des enfants des propriétaires et le couple finit par se marier et s'installer à Toronto. Dix ans plus tard, Joe est né dans une famille qui vivait dans la difficulté. L'enfant grandit avec son oncle qui l'amène voir des films qui nourrissent son imaginaire. Il rit devant les films burlesques de Buster Keaton ou les films incroyables de Fritz Lang. Joe aime particulièrement lire des "funnies", l'ancêtre des comics. Son père l'accompagne souvent et lui lit ces histoires dessinées. Il adore les histoires délirantes de Little Nemo qui le transportent dans un autre monde. La famille de Joe déménage à Cleveland, immense ville des États Unis, alors que l'enfant à dix ans...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Qui ne connaît pas Superman? Le premier Super-Héros de l'histoire a été à l'origine de tous les nombreux super-héros DC et Marvel que tout le monde admire aujourd'hui. On s'intéresse moins aux créateurs de l'homme d'acier dont le destin est pourtant passionnant. Le journaliste Julian Voloj décide de faire un roman graphique pour raconter la vie du dessinateur Joe Shuster et du scénariste Jerry Siegel, pères de Superman ! Cette belle initiative est intéressante à plus d'un titre. D'un point de vue artistique, c'est une bible pour les amateurs de comics. On voit ainsi avec beaucoup de détails et de sources la création du personnage à la cape rouge mais aussi l'émergence des comics, de l'industrie des Super-héros et de l'effervescence créée autour de cette nouvelle mythologie. Relatant pas à pas la carrière de Joe, Voloj donne à voir les errements, tâtonnements et difficultés rencontrés par les artistes. Beaucoup d'anecdotes (bien explicitées par des annexes abondantes) sont étonnantes : le premier Superman était un vagabond, tombé dans un trou noir qui l'a amené sur Mars et qui a récupéré des Super pouvoirs, Lois Lane était inspirée de la plus belle fille du lycée Lois Damdson ... On retrouve également tous les monstres sacrés des comics comme Stan Lee, Jack Kirby, Bill Finger, Bob Kane, Neal Adams et bien d'autres, superbement dessinés par l'artiste italien Thomas Campi. Cette œuvre extrêmement précise vaut surtout pour sa réflexion sur le monde impitoyable de l'édition des comics. Joe et Jerry sont de véritables self-made men inventeurs du personnage le plus célèbre de l'ère contemporaine. Ils incarnent à eux seuls le fameux rêve américain. Pourtant, derrière ce beau vernis, on découvre la réalité d'un monde capitaliste impitoyable. Pour avoir vendu les droits de Superman une bouchée de pain, leurs créateurs ont souffert toute leur vie d'ingratitude et de misère. Le récit est poignant et dénonce un système de corruption ignoble. Les couleurs profondément humaines de Campi renforcent ce malaise et cette tragédie de vie. Ce reportage est passionnant de bout en bout, émouvant à plus d'un titre et réhabilite une vérité sordide : un travail de journaliste digne du grand Clark Kent, alias Superman !