L'histoire :
Alors qu'il a cinq ans, son grand père Arthur l'amène de bon matin pour aller pêcher. Il fait froid et il est à peine cinq heures du matin mais cela n'arrête pas Arthur. D'ailleurs rien ne l'arrête pour aller pêcher même pas le fait qu'il ne prend jamais de poissons. Pourtant, il a tout préparé soigneusement: les hameçons sont gros et les cannes sont prêtes. C’est le moment de lancer la ligne à la mer. On attend des heures mais rien... l'enfant, un peu las, marche sur la plage déserte et petit à petit, il est attiré par une couleur étrange sur le sable. Quand il se rapproche, il comprend qu’il est devant un petit chapiteau. Intrigué par cette présence incongrue au beau milieu de la plage, il rentre : pas de public ! Pourtant, une marionnette apparaît : c’est Mr Punch ! Sa femme, Judy, arrive également et décide de faire le spectacle malgré l'absence de spectateurs. Judy amène son bébé qui ne fait que hurler. Mr Punch le jette sans ménagement par la fenêtre et le bébé atterrit sur le sable et se vide de son sang. Horrifié, l'enfant s'enfuit sans demander son reste.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Neil Gaiman et Dave McKean ont souvent collaboré ensemble pour des œuvres diversifiées, tantôt pour les enfants tantôt pour des adultes mais toujours pour des résultats particuliers et hors normes. En 1994, l’écrivain britannique s’attaque à un spectacle de marionnettes célèbre en Angleterre : Punch et Judy. De ce spectacle, Gaiman en fait une évocation trouble de l’enfance et du monde des rêves. Urban Comics réédite cette œuvre à part. Le récit est en effet complexe et alterne les péripéties étranges : on suit les expéditions de cet enfant pendant ces vacances qui l’amènent à mieux connaître ses grands parents et son oncle tout en découvrant des spectacles fantastiques mais terrifiants. Neil Gaiman verse dans le surréalisme en mêlant récit réaliste de l’enfance et univers onirique. Le monde du cirque avec ses miroirs déformants, le spectacle onirique des marionnettes et l’univers merveilleux avec la Sirène se mêlent de façon obscure avec une sorte de rite initiatique. Ainsi, l’enfant découvre les ténèbres du monde adulte : la folie, la solitude, l’ennui, la prostitution et la violence. Mr Punch est une sorte d’allégorie de la vie et ce pauvre pantin cruel et méchant a au moins le mérite de ne jamais baisser les bras, faisant la nique aux carcans familiaux, à la mort et au Diable lui-même ! Si l’atmosphère opaque distillée par le style énigmatique de Gaiman est fascinant, il n’en est pas moins difficile à comprendre. Même les rapports familiaux sont complexes à saisir et on discerne mal la frontière entre le rêve et la réalité. Cette œuvre iconoclaste, brute et symbolique correspond parfaitement au graphisme halluciné de Dave McKean. Transporté par le texte sombre de son complice de toujours, McKean alterne style BD avec des cases et un graphisme simple et lisible avec des pages plus étranges où se mêle collages, photos et dessins. On reconnaît alors son style caractéristique qui rappelle la psychanalyse et qui a donné des couvertures mémorables pour Sandman. Une œuvre sombre et envoûtante, difficile d’accès et à la narration éclatée, mais qui réveillera vos souvenirs d’enfance.