L'histoire :
En 1794, en Angleterre, Sandman rend visite à Lady Johanna Constantine. Il a besoin d’une mortelle pour une mission très spéciale. Johanna, aventureuse et attirée par l’appât de la récompense, accepte. Quelques mois plus tard, elle est déguisée en pauvre femme. Elle marche dans les ruelles sombres de Paris avec un paquet à la main. Des Sans-culottes l’arrêtent, le regard sinistre et lugubre. Ils veulent voir le contenu du sac. Sans hésiter, elle sort une tête décapitée. Elle explique que l’homme était un aristocrate qui avait violé sa sœur. Cette dernière ne s’était jamais remise de cet acte terrible et s’est ensuite donné la mort. Elle s’était donc juré de retrouver le coupable de la mort de sa sœur mais elle apprit un beau jour que le coupable, accusé de complot politique, a été guillotiné. Elle est donc venue sur Paris réclamer la tête du violeur de sa sœur. Elle soulève le paquet qu’elle tenait et y dévoile effectivement une tête décapitée. Elle crache même sur le membre mort devant les hommes horrifiés. Les soldats la laissent alors passer, non sans arracher la boucle d’oreille en or de la tête du défunt. La jeune femme rentre dans l‘auberge Montmarat. Elle sort la tête du sac et le membre se met à bouger comme par magie ! Ce n’est autre que la tête de Sandman ! Il avertit Lady Johanna que les soldats républicains ne se laisseront pas berner comme les deux Sans-culottes et que l’armée risque de venir récupérer sa propre tête…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Urban Comics continue la publication du projet dément de Neil Gaiman sur celui que certains peuples appellent Morphée, d’autres le faiseur de rêves ou encore le Marchand de Sables : Sandman. Après une série de péripéties toutes plus incroyables les unes que les autres, le souffle créatif de l’écrivain britannique ne faiblit pas, bien au contraire. Dans cet opus toujours aussi volumineux, le lecteur se sent transporté comme dans un rêve au cœur de la Terreur de Robespierre puis suit les états d’âme du grand Octavius pour découvrir ensuite la vie démente de Joshua Nixon ou encore la légende de Baba Yaga… Ce volet est riche en intrigues toutes différentes et surprenantes les unes que les autres. Comme dans les précédents tomes, les chapitres s’enchaînent sans transition et les aventures de Sandman ne sont que des prétextes à narrer des histoires sidérantes. En effet, l’homme à la peau blanche et aux prunelles au noir de jais fait des apparitions de plus en plus furtives et légitime simplement l’histoire en y apportant un éclairage onirique plus fort. L’univers de Sandman est un formidable outil narratif pour Gaiman qui aborde toutes les époques souhaitées et les thèmes désirés. Avec génie, Gaiman passe allègrement de références historiques conséquentes comme la Révolution française ou l’Empire Romain à des notions de magie ou encore à des discussions psychanalytiques. Neil Gaiman est également réputé pour son extrême érudition et l’auteur multiplie les références culturelles et historiques. Le lecteur découvrira ainsi avec plaisir des hommes oubliés comme le magnifique et dérisoire Joshua Norton. La préface raconte également que Gaiman ne savait plus quoi inventer et qu’il ne lui restait plus que quelques jours avant de créer son superbe travail sur la période de la Révolution française. Quand on voit le résultat et le nombre de références historiques, on en reste bouche bée (surtout quand on est français !). Rien n’échappe à l'écrivain puisqu’il réfléchit également sur les pratiques de son temps et les représente avec une justesse et une profondeur rare : ainsi, Wanda, le transsexuel, pose la question forte de la différence et de la tolérance. Le dernier chapitre, Le théâtre de minuit, est également une peinture acerbe et féroce des puissants de notre monde qui possèdent des faiblesses bien plus grandes et ridicules que le commun des mortels. Cependant, on ne peut résumer cette œuvre foisonnante à de simples réflexions sociales et philosophiques. Ce serait oublié l’immense talent de conteur de l’artiste. Gaiman n’a pas son pareil pour rendre passionnant n’importe quelle intrigue. Malgré le nombre d’intrigues de la série, l’auteur se renouvelle sans arrêt et multiplie les formes narratives pour capter le lecteur. Bien plus envoûtant que le pouvoir de son personnage phare, la plume de Gaiman est une expérience d’écriture rarement égalée en comics (ni dans la bande dessinée en général). Chaque chapitre se savoure comme des histoires indépendantes et se déguste comme des moments rares d’intelligence et de trouvailles. Le point d’orgue est l’histoire Le Jeu de soi puisqu’elle est divisée en pas moins de six chapitres. Neil Gaiman s’attaque ici à un monstre de la littérature anglaise : Alice aux pays des merveilles et réinvente un conte moderne avec comme personnage principale… Barbie, bien malheureuse depuis que Ken l’a quittée ! Sandman ne se raconte pas tant l’ensemble est exceptionnel d’inventivité et de talent brut : bienvenue dans un monde qui dépasse vos rêves les plus fous…