L'histoire :
Todd Faber est un auteur de pièce de théâtre. A la veille de la répétition de sa pièce, Le blues de Mary Typhoïde, le dramaturge semble totalement déprimé. Il regarde un film d’Hitchcock sans même le comprendre jusqu’au moment où on sonne à sa porte. Une des jeunes actrices, Janet, est venue lui poser des questions sur son rôle. Todd n’est pourtant pas enclin à parler de son travail. Pire, il annonce à Janet qu’il abandonne la pièce car il a peur et ne se sent pas bien. Janet ne comprend pas et fait tout pour lui faire changer d’avis mais Todd est catégorique. Il finit par mettre Janet dehors et se couche. Il met quelques heures à s’endormir et fait des rêves étranges. Dans un de ces rêves, il escalade une montagne alors qu’il a le vertige. Arrivé au sommet, il y voit un étrange personnage aux yeux noirs de jais, un corbeau juché sur ses épaules. C’est le Dieu des Rêves qui l’éclaire sur sa vie. Pour lui, il y a trois types de rêves : ceux dont tu ne te réveilles jamais, ceux qui te font chuter et ceux qui te font voler. Les conseils du Rêve vont changer la vie du dramaturge à jamais…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Quatrième volume de la réédition des volumes du Maître des Rêves, Sandman. Le moins que l’on puisse dire, c’est que, malgré l’ampleur du projet et la taille des opus, Neil Gaiman ne manque pas d’imagination. Avant de lancer une grande fresque, l’histoire démarre sur deux histoires plus ou moins indépendantes : celle de cet auteur de théâtre déprimé et celle de l’histoire d’Orphée, fils de Sandman ! Cette reprise d’un épisode célèbre de la mythologie sur l’histoire d’amour entre Orphée et Eurydice annonce un tome où Gaiman se consacre essentiellement aux affaires de famille. On le sait, les histoires familiales sont souvent pimentées et celles de Sandman sont loin d’être banales. En effet, le lecteur découvre avec ravissement tous les frères et sœurs de Sandman : les Infinis. Tous commencent par la lettre D en anglais : Dream (le Rêve), Death (la Mort), Destruction (la Destruction), Desperate (le Désespoir), Desire (le Désir) et Delirium (le Délire). Cette galerie impressionnante de personnages au caractère bien trempé arrive presque à faire oublier le fameux Sandman. Les présentations faites, Neil Gaiman offre cette fois un fil conducteur à son intrigue puisque Délire, avec l’aide de Sandman, tente de rechercher Destruction qui a quitté sa famille sans raison. Le road movie est des plus décalés puisque les deux Infinis vont croiser de vieilles connaissances anciennement Dieux de l’Egypte ou de Babylone. L’aventure, si elle est limpide dans son objectif, devient très complexe. Gaiman ne ménage pas son lecteur et multiplie les personnages étranges comme Abel et Caïn, tout droit sortis de la Bible et des contes à la fois. L’opus est très dense avec une multitude de descriptions et d’encadrés narratifs. Certaines scènes sont en plus totalement surréalistes et parfois difficiles à saisir : le personnage de Délire est d’ailleurs le plus représentatif de l’écriture débridée du génie anglais. Ainsi, on a parfois des moments de dialogue totalement décalés ou des scènes ahurissantes et sans queue ni tête. Certains passages restent des grands moments d’anthologie dans ce délire narratif comme la réincarnation d’Inshtar en danseuse de cabaret ou Désespoir envahi lui-même par sa propre puissance. Neil Gaiman cherche à démultiplier les procédés d’écriture et certaines trouvailles sont exceptionnelles d’intelligence et d’originalité. La partie dessinée par Jill Thompson tente de se mettre au diapason de l’écriture ébouriffante de l'album avec des variations de style ou des trouvailles visuelles du plus bel effet. Cependant, plus que les précédents volets, l’histoire devient presque trop riche et trop ambitieuse. Le projet est si démesuré que l’écriture démiurge de Neil Gaiman finit par perdre de sa poésie et de sa force brute. Un peu comme si Délire se mettait à écrire lui-même les aventures de Sandman…