L'histoire :
Le docteur Moses Lwango était un médecin respecté. Issu d'une famille de réfugiés politiques ayant trouvé asile aux U.S.A. pour fuir les massacres de populations en Ouganda, il réussit ses études et devient un homme de science. Juste parmi les justes, il n'a qu'un désir, une fois sa carrière bien remplie : retourner au pays et mettre à profit ses savoir-faire pour sauver une partie des victimes du conflit. Mais rien ne se passe comme prévu. Enlevé par des factions rebelles, témoin d'horribles exactions, il va se mutiler en s'infligeant d'horribles blessures au visage, justifiant le port des bandages qui ne laissent plus apparaître que ses yeux. Moses bascule brutalement dans la folie meurtrière qui ravage son pays depuis des décennies. Il entend désormais une voix qui l'incite à prendre part au conflit, désignant sans cesse de nouvelles cibles. Ainsi, la personnalité du docteur laisse place à celle du Soldat Inconnu...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
C'est avec ce quatrième volume que s'achève cette série ayant remis en avant le Soldat Inconnu. L'homme au visage bandé est né de l'imagination de Joe Kubert et Bob Kanigher, au milieu des années 60. Pur produit du climat engendré par la guerre froide, il est à l'époque une victime de guerre, un simple G.I. dévisagé par l'explosion d'une grenade. Ses blessures étant irrémédiables, son visage sera bandé et il se fera une spécialité d'épouser l'apparence de ces cibles pour mieux pouvoir les abattre. Missionné exclusivement pour des Black Ops', il incarne jusque là le patriotisme exacerbé ainsi que l'homme de guerre amoral, car pour son pays, la fin justifie les moyens. Tout ce que le gouvernement et l'armée ne peuvent faire «officiellement», le Soldat Inconnu» peut le réaliser. Le cas de Moses (et de son parcours écrit par Josh Dysart) est tout autre. Et c'est bien ce qui fait la particularité de cette interprétation et toute sa valeur. En immergeant ce Soldat Inconnu dans le contexte de la guerre civile ougandaise, la dimension manichéenne disparaît totalement. Avec ce dernier volet, bien des zones d'ombres sont levées. Qui est en réalité Moses ? Quels sont ses liens avec cette voix qui prend le dessus sur sa conscience ? Les réponses sont délivrées, amenant même une filiation directe avec le personnage initial. Mais ce passage, sorte de relais entre le personnage original et cette version contemporaine, n'est pas le plus important. Ce qui compte vraiment, c'est qu'on ressort considérablement ébranlé de ce dernier tome. Le Soldat Inconnu reste une énigme : à la fois bourreau et victime, il inflige un sort mortel auquel il n'échappera pas non plus. Mention spéciale à Alberto Ponticelli, qui signe une dernière scène en forme d'apothéose et dans laquelle le lecteur est projeté au delà de la vie. Quelques pages de toute beauté, qui collent idéalement au récit qu'on croirait frappé par la grâce. Bref, nous n'irons pas par quatre chemins : Soldat Inconnu est un très grand comic book.