L'histoire :
Dans ce deuxième tome, on retrouve Cole Turner, encore chamboulé par sa rencontre avec Barker, le chef de Black Hat, à l’origine de toutes les fausses informations et théories du complot qui circulent dans le monde. Lui qui croyait, au sein du Department of Truth, être dans le camp du bien, se voit expliquer qu’il est en fait le pantin d’une organisation qui cherche à imposer la suprématie des Etats-Unis au monde entier, une sorte de deep state délivrant une vérité d’Etat qui ne peut être remise en cause sous peine d’être menacé, autrement dit une société néo-stalinienne qui contrôlerait l’information de A à Z. Dans un monde fait de fake news, de mensonges d’Etat et de vérités alternatives, qui croire ? A qui donner sa confiance ? Turner va être aidé dans sa quête de vérité par un vieux briscard du Department of Truth sous les traits de Hawk Harrison et sa casquette american flag vissée sur la tête. Grace à ce dernier, on en apprendra plus sur la naissance des Tulpas, ces êtres tangibles nés des théories populaires du complot comme le monstre aux yeux étoilés du Cole enfant ou encore le bigfoot que Cole et Harrison partent chasser dans la forêt.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Si vous aviez terminé le premier tome de Department of Truth avec quelques certitudes, vous pouvez vous attendre à tout remettre en cause à l’image du héros Cole Turner. Le scénariste James Tynion IV prend un malin plaisir à nous laver le cerveau et à utiliser toutes les théories complotistes existantes pour nous questionner sur la vérité. Est-elle gravée dans le marbre, doit-elle être remise en cause, mais aussi qui nous dit cette vérité et est-ce que la vérité n’est qu’un fait admis par la majorité ou est-ce celle que nous cache les puissants ? Au fur et à mesure de cette lecture riche en références historiques, demandant un effort de concentration, on ne cesse de se perdre avec délectation mais aussi parfois de lassitude, dans ce voyage cauchemardesque au pays de la vérité. Tout comme Cole, le vertige nous envahit et bien malin celui qui saura s’il ne se fait pas manipuler. Dans ce pays traumatisé par l’assassinat de Kennedy et le Watergate et à l’heure des réseaux sociaux et des deep fakes, Tynion IV interroge la notion même de réalité et de fiction et qui nourrit l’autre. Il est aidé en cela par l’époustouflant dessin de Martin Simmonds aux antipodes de la ligne claire et au style rappelant Dave McKean (Arkham Asylum) et Bill Sienkiewicz (Les Nouveaux Mutants) et qui continue de nous plonger dans un monde où les visages sont flous, les costumes noirs, contrastant avec les couleurs vives des Tulpas, illustrant parfaitement l’ambiance cauchemardesque de cet univers paranoïaque. Malgré tout, ce deuxième tome est très bavard en ce sens où on a le sentiment d’assister à une conférence magistrale sur les phénomènes conspirationnistes. Heureusement, le journal d’un chasseur de bigfoot s’intègre en parallèle dans le récit et nous raconte le quotidien d’un homme obsédé par cette chimère, ce qui nous permet de ne pas décrocher de la lecture accompagnée par la vision terrifiante de la créature par Simmonds. Un deuxième tome toujours aussi efficace, original et angoissant dont on attend la suite avec impatience.