interview Bande dessinée

Bruno Bessadi

©Soleil édition 2008

Par son alliage de poésie et de… gore, Zorn et Dirna a réussi à séduire en quelques années un très large public. Aux commandes de cette série originale, l’inévitable Jean-David Morvan s’est associé à Bruno Bessadi, dessinateur marseillais. Véritable stakhanoviste du détail, ce dernier offre à ses lecteurs un travail rigoureux, et néanmoins en constants progrès au fil des tomes. Alors que parait le 5e opus (a priori l’avant-dernier), les bédiens ont interviewé ce passionné d’entrailles équines :-)…

Réalisée en lien avec l'album Zorn et Dirna T5
Lieu de l'interview : le cyber-espace

interview menée
par
9 mai 2008

Bonjour Bruno ! Pour faire connaissance, peux-tu te présenter (brièvement) ? Ta vie, ton œuvre, comment en es-tu arrivé à faire de la bande dessinée ?
Bruno Bessadi : J'ai toujours dessiné (très original ?) et je lisais beaucoup de Strange. Alors j'ai passé un bac et un BTS d'arts appliqués. J'ai fait ces études car j'aimais déjà la BD, donc c'était celles qui me semblaient le plus supportables. Après, j'ai fait de l'ANPE et après, j'ai bossé dans la pré-production de dessin animé pour la TV et le WEB à Marseille, tout en commençant Zorn et Dirna. En fait à 21 ans, je me suis dis : ok, je tente le tout pour le tout pour la BD et presque 5 ans après je signais chez soleil. A 23 ans, je faisais des strips dans le magazine Golem, mon premier boulot édité ! Donc j'ai 5 Zorn et Dirna derrière moi, et quelques page dans divers collectifs : Chronique de sillage 1, Tales of Tellos 2, Droits de l'homme en BD pour Amnesty international et Mai 68 à paraitre !

Comment s'est déroulée ta rencontre avec Jean-David Morvan ? Pourquoi lui, pourquoi toi ?
Bruno Bessadi : En 1997, je faisais donc mes strips dans Golem et j'ai su grâce à Vincent Trannoy que Jean-David aimait bien ces strips. Je lui ai donc écrit ; il faisait à l'époque Nomad et HK, j'aimais bien son approche un peu « moderne », différente des clichés franco-belge. On a fait un projet Pirates, puis un western alternatif… Faire ces pages pour ces projets « vains » m'a beaucoup apporté en fait !

Ses défauts, ses qualités, en tant que scénariste ? (joker interdit)
Bruno Bessadi : Alors son principal défaut c'est qu'il est super actif. Il a je ne sais combien d'albums en cours ! Ses qualités c'est qu'il a toujours de super bonnes idées, une très bonne culture BD, qu'il est toujours de bons conseils et qu'il est hyperactif !

Mon petit doigt m'a dit que Zorn et Dirna avait été accepté par les éditions Soleil, sans qu'ils aient lu le scénar ou vu la moindre planche auparavant… Tu as une technique euphorisante ?
Bruno Bessadi : Les gens de chez Soleil avaient mes planches de western alternatif sous les yeux, donc ils savaient à quoi s'attendre. Or Jean-David venait à peine de sortir le tome 1 de Sillage, ça a pas mal aidé !

Tu as commencé le tome 1 aux côtés de Vincent Trannoy… et continué tout seul dès le tome 2, pourquoi ?
Bruno Bessadi : Vincent Trannoy bossait avec moi dans le dessin animé, c'est un vieux pote de Morvan. C'est Jean-David qui a eu l'idée que je bosse avec lui. Vincent sur les décors et moi sur les personnages ! Vincent est un bon gars, super doué, avec qui j'ai énormément appris sur les décors et mais aussi sur le storyboard et les cadrages. Malheureusement c'était pas un pro de l'organisation et on mettait trop de temps pour faire un bouquin. J'ai donc préféré, au tome 3, faire de la BD tout seul comme tout le monde :). Il faut aussi savoir, que lorsqu’on bosse à 2 sur une BD au dessin, on n’est pas payé deux fois plus !

Comment se déroule « techniquement » votre collaboration à Jean-David et toi ? Il t'envoie le scénar petit à petit, tout d'un coup ? Il fait un story-board ? Un pré-découpage des planches ?
Bruno Bessadi : Jean-David et moi on se connait depuis 10 ans maintenant donc ça roule tout seul. Il m'envoie un résumé de l'album, puis un découpage séquence par séquence, à raison de 4/5 pages à chaque fois. Il ne me fait pas de storyboard et ces pages de scénar sont découpées cases par cases, des fois je respecte et des fois je vire ou ajoute des cases, ce qui marche par écrit ne marche par toujours en images !

Lui pointes-tu parfois des choses qui te paraissent incohérentes et inversement, te fait-il refaire parfois des morceaux de planches ?
Bruno Bessadi : Vue son hyperactivité, il arrive à Jean-David de faire des petites erreurs pas très importantes, que je peux corriger moi même. Parfois je lui propose des idées où des envies de choses particulières que j'aimerais dessiner. Mais vue son hyperactivité, il n'a pas trop le temps de critiquer mes dessins et c'est tant mieux :)

Vu ses multiples casquettes, il ne se plante jamais, en faisant intervenir Nävis ou Spirou dans le décor ?
Bruno Bessadi : Non ! Mais pendant le tome 4 de Zorn et Dirna, il m'a envoyé les pages du scénario du tome 4 de Reality Show !

Une image hallucinante me restera en mémoire sur cette série, c'est quand Seldnör tranche en deux, dans le sens de la longueur, un cheval au galop… avec les tripes et les viscères qui se répandent… Il faut étudier un minimum l'anatomie humaine et animale pour venir à bout de telles séquences ?
Bruno Bessadi : Quand j'étais petit, je voulais devenir « vétirinaire ». Plus tard, médecin légiste et après illustrateur médical ! Tout ça pour dire que l'anatomie m'intéresse beaucoup, tout comme le dessin des animaux. Quant au cheval coupé en deux, au moment ou je dessinais cette page une amie m'a donné un CD d'anatomie équine relatif aux études qu'elle venait de commencer. Un bon hasard quoi !

Est-ce compliqué pour toi de faire à la fois gore et poétique ?
Bruno Bessadi : Je ne me pose pas la question. J'aime faire du gore tout court, j'adore vraiment la réaction des personnes un peu sensibles. Ça m'amuse beaucoup en fait ! J'utilise très peu de masse de noir dans mes dessins, c'est peut être ça qui fait que mon gore reste frais et fun ? :)

Qu'est-ce qui pose le plus de difficulté dans un scénario pareil ?
Bruno Bessadi : Houlà ! Le nombre de cases par planches ? Sinon les difficultés propres à n'importe quel autre album : trouver de la documentation pour les décors, les costumes... S’il y avait beaucoup de difficultés dans ce scénar, je ne l'aurais pas accepté.

Combien de temps mets-tu pour faire un album (ou une planche) ?
Bruno Bessadi : Certains vont rire ! Les premiers, on a mis plus de 2 ans par tome ! J'ai fait le tome 5 en 11 mois, et j'essaie de faire 4/5 pages par mois. Je suis un peu laborieux et je mets aussi pas mal de détails.

Travailles-tu dans une ambiance particulière ?
Bruno Bessadi : Je travaille au Zarmatelier (visitez http://zarmatelier.over-blog.com pour vous donnez une idée de l'ambiance et de qui y travaille). On travaille beaucoup et on rigole bien, et des fois c'est l'inverse ! On s'entraide pour les petits soucis techniques aussi, c'est chouette !

Au terme des 6 tomes prévus, as-tu envie de rempiler aux côtés de Jean-David ? Pourquoi ?
Bruno Bessadi : Pourquoi pas, si le projet me botte ! Rebosser avec Morvan serait un peu la facilité, quelque part : notre collaboration roule, on se connait bien. Aller voir ailleurs c'est chouette aussi : tout est nouveau on découvre des qualités, des défauts et des différences, comme quand on a une nouvelle petite amie !

Sinon, des envies de collaborations particulières ?
Bruno Bessadi : En tant que lecteur, bosser avec Serge Letendre ! Ses scénars sont sensibles et très humains. Van Hamme aussi, car certains scénar de Thorgal m'ont sincèrement marqués !

Si tu avais une gomme magique, pour retoucher quoique ce soit après coup, l'utiliserais-tu et sur quoi ?
Bruno Bessadi : HAHAHA ! Sur pas mal de planches et particulièrement sur les joues et les yeux de Zorn et Dirna, trop gros, trop ronds !

Comment se déroule le relai avec Christian Lerolle qui réalise la colorisation ? Es-ce toi ou JD qui le « pilote » ou est-il relativement autonome ?
Bruno Bessadi : Christian Lerolle est autonome. Si c'est pour lui dire tout ce qu'il doit faire, autant faire ses couleurs moi-même. Je le « pilote » de temps en temps, sur des détails.

Quels sont tes (autres) projets en cours et à venir ?
Bruno Bessadi : Deux collectifs avec Morvan dont un sur la guerre 14/18 pour novembre 2008, chez Delcourt. Un autre avec Christophe Alliel, chez Soleil.

Notre petit doigt nous a dit que tu appréciais les loups-garous. Un projet dans le genre est toujours d'actualité ? Tu fais quoi à la prochaine pleine lune ?
Bruno Bessadi : OUI ! Une adaptation de roman, sous mon initiative, avec Dominique Latil, chez Soleil. Ça n'est pas signé pour cause de droits, mais cela ne devrait pas trop tarder, selon eux. Ce sera l’histoire d’un agent secret anglais, loup-garou en plein cœur de la seconde guerre mondiale ! On verra donc…

Si tu étais un bédien, quelles seraient les BD que tu aimerais faire découvrir aux terriens ?
Bruno Bessadi : Houlà ! Parmi les moins connues que j'adore, il ya Gene Kong de Pepe Moreno, Killing Joke de Moore et Bolland, Hellboy de Mignola, Hard boilled de Geof Darrow et Akira de Otomo... Les autres m'échappent là !

Quelles sont tes influences (tout arts confondus : graphiques, musiques, ciné…) ?
Bruno Bessadi : Houlàlà ! J'aime bien le travail d’Olivier Vatine et Fred Blanchard, les couleurs de Bengal et récemment la BD Jazz Maynard. Je garde toujours un œil sur l'actualité des comics US, bien plus que sur les mangas (qui m'intéressent aussi, hein). Côté ciné, les films de Burton, Carpenter et Verhoveen mais surtout les films Pixar ! Je trouve ces films terribles ! Au niveau des expressions de visage et du design des personnages je me régale ! Niveau musique tout ce qui fait du bruit !! Lofofora et Mass hysteria (pour faire mon chauvin). Pas mal de hiphop et un brin de Bashung !

Si tu avais le pouvoir cosmique de te téléporter dans la peau et le crâne d'un autre auteur de BD (pour comprendre sa démarche artistique, par ex.), chez qui irais-tu voir le monde ?
Bruno Bessadi : Sans hésitation, Mike Mignola !!

Merci Bruno !