interview Bande dessinée

Daniel Casanave

©Dargaud édition 2009

Alors qu’il s’était surtout fait connaître grâce à ses adaptations littéraires, Daniel Casanave est maintenant rentré dans la cour des grands depuis 3 ans et la sortie d’Attila, troisième aventure rocambolesque aux côtés de Manu Larcenet. Rencontré lors d’une séance de dédicace à Bédérama, librairie spécialisée de Reims, il nous a invités à faire cette interview chez lui, autour d’un café et sans langue de bois.

Réalisée en lien avec l'album Une aventure rocambolesque de... T5
Lieu de l'interview : chez lui

interview menée
par
16 avril 2009

© Daniel casanaveBonjour Daniel. Peux-tu nous résumer ton parcours ? Comment es-tu arrivé dans la bande dessinée ?
Daniel Casanave : Je suis né dans les Ardennes, il y a bien longtemps ; j’ai fait les Beaux-Arts à Reims, j’en suis sorti diplômé et je travaille à France 3. J’ai fait des dessins animés sur palette graphique, tout un tas de séries idiotes, des dessins de presse dans la presse nationale à une époque… Ensuite j’ai illustré des livres pour enfants et finalement de la bande-dessinée. Entre temps, j’ai longtemps fait du théâtre, aussi, en tant que scénographe et de temps en temps je faisais l’acteur. Mais je travaillais surtout dans les décors, les affiches et la conception graphique : toujours autour de l’illustration.

Pourquoi t’es-tu mis à faire de la BD ?
DC : Je ne voulais surtout pas faire de la bande dessinée. J’avais même un profond mépris pour ça et ça ne m’intéressait vraiment pas du tout : c’était loin de mes préoccupations. Et puis j’ai grandi et mes vieilles obsessions m’ont rattrapé. Je crois qu’un jour, j’ai écouté un type parler à la radio – j’écoute beaucoup la radio – et je trouvais vachement bien ce qu’il racontait et je suis allé acheter son livre. C’était Pascal Rabaté et je ne connaissais pas du tout. J’ai trouvé ça formidable et je me suis dit « Tiens, je vais faire de la bande dessinée ! »

© Daniel casanaveQuelles sont tes influences ? Quels sont les auteurs que tu lis ?
DC : J’aimais beaucoup la BD franco-belge, j’ai baigné dedans toute ton enfance. Tintin et compagnie, Franquin surtout…

Ça te correspond un peu mieux !
DC : Oui.

Et actuellement ?
DC : Actuellement je n’en ai pas. J’ai beaucoup lu quand j’étais môme, et jusqu’à aux Beaux-Arts. C’était Franquin, Tardi et Pratt. J’ai une grande admiration pour Tardi. En ce moment je ne lis pas assez et je choisis au hasard : je trouve qu’il y a un tel choix, tellement de choses formidables. Je lis mes collègues : le travail de Manu (Larcenet), Blutch… J’ai les mêmes lectures que tout le monde, mais je ne suis pas un grand lecteur de BD.

L’année dernière, tu étais attendu à Angoulême pour Baudelaire… Comment as-tu réagis à cette nomination et au résultat ?
DC : Comme tout le monde. Mais ce n’était pas la première fois, c’était la deuxième (NDLR : la première étant pour Ubu). J’étais content pour la maison d’édition, Les 400 Coups, pour Baudelaire, parce que c’est le texte d’un copain, Noël Tuot. J’étais surtout content pour lui parce que mon pote avait été invité à Angoulême… J’étais très fier pour lui ; moi, je m’en foutais un peu.

© Daniel casanaveTu as adapté un certain nombre d’œuvres littéraires (comme Ubu ou Mac Beth), pourquoi ?
DC : De par mon parcours dans le théâtre, avant de faire de la BD, c’était des textes que je connaissais bien. J’ai adapté Ubu, Les mamelles de Tirésias d’Apollinaire : j’ai retranscris les mises en scène en bandes dessinées. L’Histoire du soldat, je l’avais adapté en dessin animée pour France 3… Mac Beth, c’était pour une autre raison, pour donner le pendant sérieux d’Ubu, de Jarry. Et puis, à ce moment, je voulais vraiment faire de la BD et je ne savais pas par où commencer. Il n’y a qu’un truc que je connaissais vraiment bien, c’était le théâtre. C’était un peu mon Golf Drouot à moi !

Tu as une double actualité. Tu travailles avec Larcenet et Vandermeulen. Question saugrenue : tu préfères travailler avec des auteurs morts ou des vivants ?
DC : Bin, des auteurs morts, évidemment, ils t’emmerdent pas, tu peux faire ce que tu veux !

Tu as travaillé avec de petits éditeurs ( comme 6 Pieds Sous Terre ou Les Rêveurs de runes), comment s’est fait ton passage chez Dargaud ? Est-ce un contrat d’exclusivité ? Es-tu tenu à un nombre d’albums ?
DC : Pas du tout. Si je suis chez Dargaud, c’est grâce à Manu qui m’a demandé de dessiner un de ses albums.

Comment est-ce arrivé ?
DC : J’avais proposé une adaptation d’une pièce de théâtre, Diên Biên Phu de mon copain Noël Tuot. Manu s’occupait de la maquette du bouquin et il m’a appelé et m’a proposé de faire un album avec lui : et j’ai évidemment dit OUI !

Comment s’est organisé votre travail ?
DC : A l’époque, on travaillait encore par fax (rires) : il envoyait un découpage avec le texte, ce n’était pas un scénario écrit. On m’a beaucoup reproché de faire du sous-Larcenet dans Attila, mais il fallait que ça s’intègre à la collection. En plus je suis une telle feignasse que je me suis fait un plaisir de reprendre ses dessins. Manu intervient parfois et se montre très attentif, même s’il arrive qu’il reste des ratés : c’est pourquoi je ne relis jamais mes albums. Je les regarde et je les mets dans un coin : je les relierai plus tard.

© Daniel casanaveTu viens donc aussi de livrer un deuxième Crémer avec Vandermeulen ? Pensez-vous en faire d’autres ?
DC : Je ne sais pas. On a un autre projet avec David pour Poisson Pilote.

Et l’approche de David Vandermeulen est la même que celle de Larcenet ?
DC : Non, David écrit des scénarios et après je me démerde.

As-tu des projets (un peu plus personnels) ?
DC : Je suis en train de faire une BD sur Flaubert, une sorte de biographie : sa dernière journée dans son bureau à Croisset, à côté de Rouen. On part dans ses souvenirs, par le biais de son rapport aux femmes. Avec David, on a un autre projet, celui de parler du mouvement romantique anglais du début du 19e siècle (de Percy et Mary Shelley, de Byron…) sur trois albums. Et on fait aussi des fiches comiques autour de thèmes philosophiques ou culturels sur des personnages célèbres où on peut déconner : Les petites fiches pratiques de Monsieur Vandermzulen. On cherche encore le format de publication. En plus je vais peut-être faire un bouquin sur La Champagne pour un éditeur belge, pour démonter tous les mythes champenois

Si tu avais le pouvoir cosmique de te téléporter dans le crâne d’un autre auteur de BD, à qui irais-tu rendre visite ?
DC : Ce ne serait pas un auteur de BD, mais Picasso.

Merci Daniel.
DC : Merci à toi.

© Daniel casanave