Le succès critique et populaire de Freaks' Squeele ne se dément pas. Durant nos précédentes interviews, l'auteur avait confié son envie d'étoffer son univers avec des séries parallèles. Le premier de ces spin-offs se nomme Rouge. Maudoux en a confié le dessin à Sourya Sihachakr, un jeune auteur venant de l'animation, qui livre une prestation visuelle remarquable, toute en sensibilité sur le personnage de Xiong Mao. Le résultat est aussi agréable à regarder qu'à lire. Pour mieux comprendre la genèse de cette histoire revenant sur le passé de Petit Panda, nous avons recroisé Florent Maudoux, accompagné de son dessinateur de choc. Ensemble, nous avons bien sûr évoqué Rouge, mais aussi le second spin-off sorti en mai, Funérailles... mais aussi un éventuel futur projet. L'univers de Freaks' Squeele ne finit plus de nous réjouir !
interview Bande dessinée
Florent Maudoux et Sourya Sihachakr
Réalisée en lien avec les albums Freaks' Squeele – Funérailles, T1, Freaks' Squeele – Rouge, T1, Freaks' Squeele – Version classique, T5
Bonjour Florent Maudoux et Sourya. Etant donné qu'on connaît déjà le premier, le second peut-il se présenter ?
Sourya Sihachakr : Je m'appelle Sourya et j'ai 26 ans. Avant la bande dessinée, j'étais à Angoulême et je suivais des études dans l'animation. Un beau matin, j'ai reçu un appel de Florent qui m'a proposé de dessiner le spin off de Rouge. Comme un conte de fée !
Florent, pourquoi avoir choisi Sourya ?
Florent Maudoux : Dans le groupe de jeunes dessinateurs qu'on m'a présentés, il y avait plein de dessins et de styles différents. Je trouvais que le trait de Sourya sortait du lot, c'était très sensible et ça m'intéressait de travailler avec cette personnalité et ce dessin. A l'origine, c'était pour un autre projet que finalement on n'a pas fait. Je lui ai écrit Rouge, la jeunesse de Xiong Mao, parce que son style m'inspirait. Ce n'était pas vraiment prévu à l'origine, mais j'ai cherché toutes les idées que j'avais sur elle. Cela tombait bien puisque c'était le personnage préféré de Sourya.
SC : Oui c'est vrai. Lorsque Florent m'a proposé le personnage de Valkyrie, je n'étais pas sûr. Son univers n'est pas aussi proche du mien, contrairement à Xiong Mao. Quand Florent m'a dit qu'on changeait pour le passé de Xiong Mao, cela m'a fait plaisir. C'est la personnalité que je préfère dans l'histoire.
Comment s'est déroulée votre collaboration ?
SC : Au début, Florent avait fait un script. En attendant, je travaillais sur le découpage en parallèle. On avançait ensemble et c'était assez naturel.
FM : Les tâches se sont réparties de façon instinctive. J'avais pris le parti de faire un spin-off avec quelqu'un d'autre que moi aux dessins, donc cela signifiait de mon côté rebondir sur son style et pas imposer une manière et de faire du simili-Freaks' Squeele. Je voulais qu'on fasse une vraie bande dessinée qui ne soit pas qu'un projet annexe.
Dans Rouge, on ressent pleinement l'esprit de Freaks' Squeele, mais avec une approche différente...
SC : Florent a été patient avec moi. Des fois je voulais rajouter une scène ou un dialogue... il a été ouvert et m'a apporté un vrai retour critique.
Passer de l'animation à la bande dessinée a-t-il été difficile ?
SC : Ce n'est pas exactement la même chose. Au niveau de la narration, on ne perd pas trop le fil. mais la gestion du temps est différente. Toutefois, cela s'est bien passé.
FM : Sourya a très vite trouvé la différence entre le storyboard d'un film et la BD. Je pense que lorsque tu as été formé au cinéma d'animation, c'est assez simple de s'adapter à la bande dessinée.
En combien d'opus est prévu Rouge ?
FM : En fait, l'univers des triades et de Xiong Mao est vaste. On part sur une trilogie et s'il y a matière à raconter plus, que ça nous botte bien et qu'il y a une histoire d'amour avec le lectorat, bref, s'il y a un bon feeling, ce serait dommage d'arrêter. Le but n'est pas de faire un truc à rallonge. C'est une flamme : sur chaque projet de Freaks' Squeele, je ne poursuis l'aventure que si cela apporte quelque chose à la série et aux lecteurs, et que ça me satisfait aussi. Si c'est juste pour brasser de l'air autour de Freaks' Squeele... ça n'est pas la peine. Tu vois pour Masiko 2 (NDR : dans Doggy Bags t.3), je n'aurais pas fait ce striptease sur 30 pages si je n'avais pas eu envie que le lecteur effeuillette l'héroïne avec la main, à chaque fois qu'il tourne la page. Il faut toujours qu'il y ait un petit truc en plus qui te motive. Sinon, tu ne fais que des trucs pour vendre. Le but est de proposer des choses nouvelles et intéressantes.
Quelles sont tes influences, Sourya ?
SC : Les mangas en général. Des auteurs comme Rumiko Takahashi qui a fait Maison Ikkoku, Adashi Mitsuru, Akira Toriyama, Hayao Miyazaki... En matière de BD, j'ai grandi avec les classiques comme les Schtroumpfs mais cela ne m'a pas vraiment influencé dans le dessin. Plutôt des artistes comme Mœbius, Bastien Vivès. C'est plus le manga en général.
Le second album de Rouge est-il déjà en cours ?
FM : Il est écrit. On fait quelques essais graphiques parce que Sourya veut faire évoluer son dessin, et je l'encourage à le faire.
SC : J'avais envie de changer un peu de rendu, de le rendre plus sombre. Sur le premier, mon trait était très fin, tandis que sur le second, je veux apporter des effets comme Mike Mignola le fait avec ses ombres. Je pense que ça correspondrait bien à l'ambiance.
Après Rouge, y a t-il d'autres personnages à qui tu souhaites octroyer un spin off ?
FM : Il y a déjà Funérailles pour lequel le travail est différent, puisque c'est moi qui le réalise tout seul. Cela faisait un moment que je voulais le faire. Valkyrie, cela se fait enfin puisque j'ai rencontré une dessinatrice qui a le talent pour le faire. C'est avant tout une question de rencontre. Avec Sourya, j'ai imaginé Rouge. Cela dépend du dessinateur avec lequel je vais accorder mes violons. Pour Magical Val, la série sur Valkyrie, j'ai rencontré une dessinatrice qui a d'autres qualités que le dessin. Cela peut sembler flou comme ça, mais lorsque la BD sortira, tu comprendras tout ! Certes c'est un peu prophétique car le projet est encore loin d'être sorti...
Avez-vous eu des coups de cœur BD récemment ?
FM : On a lu le Bastien Vivès !
SC : Lastman ! Florent me prête plein de BD aussi, du genre Les légendaires, Ego Vox, plein de BD comme ça. On suit One Piece.
FM : Il y a beaucoup de tomes à One Piece mais le coup de force d'Eiichiro Oda, c'est qu'on ne se lasse pas ! C'est de toujours renouveler son univers avec des personnages attachants.
Tu serais partant pour faire autant de Freaks' Squeele qu'il y a de One Piece ?
FM : Oda travaille avec des assistants. J'imagine difficilement avoir un assistant. Je veux avoir des collaborateurs qui ont de la personnalité, ce n'est pas forcément le cas des assistants de mangaka. Eux se plient aux règles de l'univers de l'auteur, se forcent à être le plus transparent possible. Je préfère travailler avec Sourya qui a une personnalité et qui apporte énormément de choses sur la série. Les japonais voient cela autrement. La BD est un médium qui a ses propres règles et il faut jouer avec pour s'épanouir. Avoir des assistants en France, ce n'est pas courant. Dépasser 30 tomes en France, c'est une rareté. Au Japon, c'est presque une norme. One Piece, je le dévore toujours autant après 60 tomes. Tous les auteurs ne sont pas bons sur le long terme, par exemple depuis le tome 20, Berserk traîne énormément et n'apporte plus rien.
Si vous aviez le pouvoir de visiter le crâne d'un autre auteur pour en comprendre son génie, qui choisiriez-vous ?
SC : J'aimerais bien connaître le processus de création d'Akira Toriyama et comment il crée ses personnages un peu fous !
FM : George Brassens ! (rires)
Merci à tous les deux !