C'est par le biais d'une collaboration avec Erik Larsen que Joe Keatingue est entré à Image Comics. Depuis, il a partagé avec ses lecteurs des récits aussi funs que malins tels que sa version de Glory (une série créée, à la base, par nul autre que Rob Liefeld) ou, plus récemment Shutter où l'on suit les aventures d'une jeune aventurière nommée Kate Kristopher parcourant le monde et combattant diverses menaces, un titre que l'on découvrira prochainement en France ! Alors que son dernier projet, Ringside, doit être publié aux Etats-Unis en novembre de cette année et que son planning s'est retrouvé brutalement surchargé du jour au lendemain, Joe Keatinge a eu la bonté de bien vouloir nous accorder un peu de temps et de répondre à nos questions sur ses créations arrivées en France et sur celles à venir.
interview Comics
Joe Keatinge
Réalisée en lien avec les albums Tech Jacket T2, Marvel Universe – V 3, T7, Glory
Bonjour Joe Keatinge, peux-tu te présenter et nous dire comment tu as commencé à travailler dans l'industrie des comics ?
Joe Keatinge : Je m'appelle Joe Keatinge. Je suis un auteur de comics qui a aussi œuvré dans divers autres aspects de l'industrie comme la planification, l'impression, la distribution, l'éditorial, l'écriture et, plus récemment, l'e-mailing.
Quelles étaient tes influences à tes débuts et quelles sont-elles, aujourd'hui ?
Joe Keatinge : Au sein de l'univers des comics, je pense qu'au départ les fondateurs d'Image Comics m'ont beaucoup influé. J'éprouve de l'admiration pour les gens qui se distinguent, les gens à qui ont dit que ce qu'ils font ne marchera jamais mais qui y croient tellement qu'ils finissent par y arriver et même à y exceller. Aujourd'hui, ceux qui m'influencent sont les gens avec qui je collabore, qu'il s'agisse de Sophie Campbell, sur Glory ou, plus récemment, de Leila del Duca sur Shutter et Nick Barber sur Ringside. Personne ne m'inspire plus que ces personnes-là, quand on échange au sujet de notre travail ou quand je vois de nouvelles illustrations.
Depuis tes débuts dans l'industrie du comics, tu as accumulé les casquettes d'éditeur, relation publique, marketing, coloriste en passant bien sûr par celle de scénariste. Qu'est-ce que tu as appris des différentes facettes du métier ?
Joe Keatinge : Il y a des gens de chair et d'os derrière chaque aspect de la réalisation de toute oeuvre qu'on lit. Je ne parle pas seulement des illustrateurs et des auteurs mais de toutes les personnes de l'équipe de production depuis la comptabilité jusqu'au manager de la compagnie de distribution et même le vendeur du magasin où on l'a achetée. Le fait de savoir que ce qu'on fait a un impact sur les autres et qu'il vaut mieux ne pas merder, ça m'a rendu consciencieux dans la manière dont j'exerce mon métier.
Après plusieurs années sans actualités, Rob Liefeld a relancé quelques unes de ses séries dont Glory. Comment es-tu arrivé sur la série ? En étais-tu fan ?
Joe Keatinge : Eric Stephenson a lu quelques uns de mes écrits – et je les connais, lui et Rob, depuis déjà un moment – et tous les deux, ils m'ont demandé de pitcher la série. Ils ont aimé ce que je leur ai livré alors j'ai amené Sophie sur le projet et le reste appartient à l'Histoire.
Dans la préface de l'édition française, tu indiques avoir situé l'action en France afin de faire un clin d'œil aux années où tu as vécu chez nous. As-tu eu envie de percer à l'époque dans le monde de la bande dessinée franco-belge ?
Joe Keatinge : Oh, absolument. J'adorerais avoir une oeuvre dans ce format au sein de mon C.V.
Et qu'as-tu pensé de ton séjour en France ?
Joe Keatinge : J'ai adoré. J'aimerais y retourner, à un moment donné, et peut-être pour un séjour plus long. Je suis inspiré par cette culture et les amis que j'ai là-bas sont géniaux. Je résidais principalement sur Paris et si je revenais en France, j'aimerais peut-être aller ailleurs, dans une ville de taille plus modeste comme Bordeaux ou un endroit encore plus isolé.
En reprenant Glory, quel objectif t'étais-tu fixé ?
Joe Keatinge : Comme pour tout ce que je fais, j'ai écrit un comics que j'aurais aimé lire mais qui n'existait pas.
Est-ce que Rob Liefeld avait un droit de regard ou de véto sur ton histoire ? Comment cela s'est passé entre vous ?
Joe Keatinge : Rob a toujours été super et, en vérité, c'est lui qui nous a poussés à changer le cours des choses et ne pas nous sentir contraints par ce qui avait pu être fait auparavant. Il a un enthousiasme contagieux.
Tu as eu la charge d'un What if? pour Marvel consacré à Age Of Ultron. Comment as-tu appréhendé cet exercice ? Avais-tu des limites imposées ?
Joe Keatinge : Eh bien oui, bien sûr. Avec des compagnies comme Marvel ou DC, il y a toujours des limites ou des contraintes mais c'est le métier pour lequel ils te payent qui veut ça. C'est fun à faire mais je dois bien avouer que je préfère la liberté que l'on a dans l'indé. Ceci étant dit, du moment que l'on me présente un projet de qualité, je serai naturellement prêt à travailler de nouveau avec eux. Ça a été particulièrement amusant de travailler avec les gens de Marvel.
Dans ce What if, tu as aussi mis en avant un personnage trop souvent cantonné au second rôle : Ant-Man. Est-ce que tu es emballé à l'idée de le voir débarquer au cinéma ?
Joe Keatinge : Je pense que Marvel fait en général du très bon travail avec leur univers cinématographique et j'avais donc hâte de voir ce que ça aller donner.
Tu as aussi ravagé Paris dans Marvel Knights Hulk. C'était un rêve caché ?
Joe Keatinge : Détruire Paris ? Ah ah ! Non ! Mais j'avais aimé l'idée de prendre un personnage qui soit si Américain, jusqu'à l'extrême, et de le jeter au milieu d'une des plus belles villes d'Europe.
Sur Hulk justement, tu as repris le type d'histoires qui ont fait le bonheur des fans avec un Bruce Banner traqué. Quels ont été les récits qui t'ont inspiré ?
Joe Keatinge : Dès que tu travailles avec un personnage issu des univers Marvel ou DC, tu as à l'esprit ce qui a pu se produire auparavant. Mais là, en plus de ça, j'avais beaucoup d'autre chose en tête. Notamment des choses qui, à mon avis, n'ont pas dû être remarquées par les lecteurs mais dont j'étais parfaitement conscient au moment de l'écriture : de nombreux films des années 60 et 70, la Nouvelle Vague française, des thrillers d'espionnage... Ce genre de choses.
Dernièrement, nous avons pu te revoir sur la série Tech Jacket avec notamment les premiers épisodes de "Digital". Comment es-tu arrivé sur la série ?
Joe Keatinge : De la même manière que pour Glory, je connaissais Robert depuis un moment, j'adorais ce qu'il faisait et je lui ai demandé s'il n'avait jamais songé à ramener Tech Jacket sur le devant de la scène. Je disais ça en tant que lecteur, parce que je voulais pouvoir lire ses aventures à nouveau. Mais voilà, des années plus tard, Robert m'a proposé de me charger, avec Khary Randolph, de la résurrection de la série et ça a été assez simple d'accepter.
L'univers d'INVINCIBLE est de plus en plus immense, reçois-tu de la part de Robert Kirkman certaines indications ?
Joe Keatinge : Rober nous laisse la plupart du temps faire notre truc dans notre coin, Khary et moi. On voulait vraiment que Tech Jacket devienne une série à part, indépendamment d'Invincible, même si les deux séries se rejoignent encore souvent.
Tech Jacket a été initié par Robert Kirkman. Est-ce difficile de passer après lui auprès des fans ?
Joe Keatinge : Naaan, Robert était génial et il nous a toujours encouragés à persévérer et à continuer de faire les choses à notre façon plutôt que d'essayer de reprendre ce que lui et EJ Su ont fait avant nous.
Robert Kirkman vient d'annoncer le reboot imminent d'Invincible (façon Kirkman, bien entendu). Est-ce que cela a changé quoi que ce soit pour toi ? Est-ce que ça implique la fin de la série Tech Jacket ?
Joe Keatinge : Pour avoir récemment lu le premier numéro de cet event, je pense que cela va être beaucoup plus qu'un simple « reboot ».
En France, beaucoup de tes titres ne sont pas encore disponibles. Lequel ou lesquels rencontreraient, à ton avis, le plus grand succès, ici ? Sais-tu si, justement, il serait déjà prévu de le ou les publier ?
Joe Keatinge : On est tout près de signer notre premier contrat français pour Shutter, un titre que je suis très heureux de pouvoir publier ici. Je pense qu'il a tout pour séduire le public français, entre son histoire d'un aventurier globe-trotter et les fabuleux dessins de Leila del Duca. Idem pour Ringside qui a un côté polar qui, je pense, a toute les chances de plaire aux lecteurs français.
Si tu avais le pouvoir cosmique de visiter le crâne d'un autre auteur pour en comprendre le génie, qui irais-tu visiter ?
Joe Keatinge : C'est une égalité entre quatre personnes : Jean "Mœbius" Giraud, Jack Kirby, Stanley Kubrick et Stefan Zweig. Chacun maîtrisait son art et se l'est approprié. Ils ne se sont pas contenté de ce qui existait déjà et ont tous innové à leur manière et créé quelque chose d'inédit. C'est le genre de personnes qui m'inspirent le plus.
Merci Joe !
Remerciements à Alain Delaplace pour la traduction technique !
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