A la lecture du premier album de Changing Ways, on ne pouvait s'empêcher de trouver des points communs entre le style de Justin Randall et celui de Ben Templesmith. Australiens tous les deux, le premier est en réalité le professeur du second et c'est en voyant la passion de ce dernier que l'enseignant s'est lancé dans le monde des comics. Rapidement, Justin Randall a enchaîné des couvertures et des épisodes de séries comme 30 jours de nuit ou Silent Hill. Comme Ben Templesmith... C'est pourtant sur Changing Ways, une série qu'il illustre et scénarise, que son trait, plus réaliste, montre tout son potentiel dans un univers fascinant où les mystères sont multiples. Alors que le second opus sort en France, Justin Randall a fort gentiment accepté de répondre à nos questions pour se présenter à ses lecteurs...
interview Comics
Justin Randall
Peux-tu nous décrire tes débuts dans l'univers des comics ?
Justin Randall : Ma passion pour les comics a commencé grâce au travail d'un de mes étudiants à l’université de Curtin, Ben Templesmith. Pour le dessinateur que je suis, ses techniques étaient uniques et fascinantes. Cela m'a incité à me lancer et j'ai alors commencé à dessiner des comics.
Quelles sont tes références ?
Justin Randall : Je dirais que j'ai été influencé par Templesmith à travers ses techniques de dessin, par Zdzislaw Beksinski et sa perception et aussi par Jim Woodring et sa folie maîtrisée.
As-tu des auteurs ou des écrivains préférés ?
Justin Randall : Terence Mckenna, Alan Watts, Carlos Castaneda et Graham Hancock sortent du lot en ce qui concerne mon travail de recherche. Pour ce qui est de la fiction, j'apprécie vraiment Sam Keith et son approche narrative.
Comment décrirais-tu ton style ?
Justin Randall : Mon éditeur a suggéré le terme de "réalisme magique" mais je me contenterai de "flippant".
En France, on a découvert ton dessin sur Changing Ways, mais tu as travaillé sur de nombreux autres titres avant ça. Tu as collaboré avec Steve Niles sur 30 Jours de Nuit, entre autres. Comment l'as-tu rencontré ?
Justin Randall : J'ai envoyé un email à Steve. J'y avais joint des ébauches venant de Changing Ways et je lui disais que j'aimerais vraiment travailler avec lui, un jour. Un peu près un an plus tard, il m'a contacté et j'ai commencé à travailler sur 30 Jours de Nuit: Eben et Stella
Que penses-tu de 30 Jours de Nuit ?
Justin Randall : Le concept est vraiment très fort, avec des vampires cools comme ceux des années 80, très sombres.
J'ai vu que tu avais illustré certains numéros de l'adaptation en comics du jeu vidéo Silent Hill. Quel est ton approche de cet univers ?
Justin Randall : Je suis un très grand fan de Silent Hill. J'ai joué à chaque opus (j'ai encore le premier, sorti sur PS1) et j'ai lu la plupart des comics. Mon approche était donc empreinte de joie et de respect. Je pense que le job rêvé serait, pour moi, d'illustrer un graphic novel basé sur le premier ou le deuxième jeu Silent Hill.
T'as t-on imposé des limites ?
Justin Randall : Rien de spécifique étant donné que je n'illustrais que les couvertures. Cela dit, une fois il m'a fallu effacer un téton d'une couverture. J'ai toujours trouvé étrange de pouvoir dessiner une femme nue en train de brûler vive mais que je ne pouvais pas montrer ses tétons. Nous savons tous combien les tétons peuvent être dangereux.
Quand j'ai lu ta bio, j'ai vu que tu avais travaillé sur de nombreuses œuvres classées dans le genre fantastique ou encore dans l'horreur. Tu aimes ce genre d'histoires ?
Justin Randall : J'adore les histoires qui mettent en avant le triomphe de l'esprit humain. Ce que j'apprécie ce sont les histoires qui placent des gens ordinaires dans des situations extrêmes et, pour moi, c'est encore plus excitant quand le récit est saupoudré d'éléments fantastiques. On trouve ça dans des films comme Le Loup-Garou de Londres ou Martyr(s).
Comment décrirais-tu Changing Ways aux néophytes ?
Justin Randall : Changing Ways n'est pas ce à quoi vous vous attendez. Quelles que soient vos attentes. J'aime à penser que Changing Ways, c'est l'Arche de Noé mâtiné de Guerre des Mondes, le tout dans les décors de Supernatural.
L'atmosphère de Changing Ways est très originale. Comment parviens-tu à la concevoir ?
Justin Randall : Changing Ways, c'est sombre et ténébreux avec une approche très intime du thème familial.
Le choix des couleurs est très important, pour arriver à cela, non ?
Justin Randall : En effet, j'emploie des palettes très spécifiques à cette atmosphère. Bien que mon éventail de couleurs soit souvent restreint, je passe beaucoup de temps à essayer d'harmoniser l'atmosphère avec celles-ci.
En France, le second TPB sera disponible à la fin janvier. Que peux-tu dire aux lecteurs ?
Justin Randall : Attendez-vous à de grandes révélations ainsi qu'à quelques surprises. Oh, et il se déroule 10 ans après les évènements du premier livre.
Quand on lit le premier TPB, on pense à différents films d'horreur alors que, quand on lit le second, on pense à un mélange de Terminator 2 et d'un road-trip. Est-ce une de tes influences ?
Justin Randall : Non mais le cinéma a définitivement une influence sur le rythme de ma narration et sur la manière dont je dessine de grands plans.
Quelles sont les influences de chaque TPB ?
Justin Randall : Pour le premier, je dirais Massacre à la tronçonneuse (l'original, pas le remake) ainsi qu'un film moins connu intitulé No Vacancy. Ces deux films ont eu une influence très spécifique sur l'atmosphère. Pour le deuxième, je dirais la Guerre des Mondes (aussi bien l'original que le remake) et Darkness (un film de 2002 avec Anna Paquin). Pour le troisième, je dirais surtout Une vie volée et Martyr(s).
J'ai vu que Changing Ways se concluera avec le troisième livre, est-ce que c'est vrai?
Justin Randall : Ce sera le dernier pour moi en tant que dessinateur *et* scénariste. Actuellement, je recherche un artiste qui puisse continuer la série avec moi de manière à ce que je puisse me concentrer sur l'écriture tout en m'allouant du temps pour travailler sur d'autres projets.
Quels sont tes futurs projets, en comics ?
Justin Randall : Un peu d'horreur psychédélique ainsi qu'un livre pour enfants.
Connais-tu des comics ou des artistes français ?
Justin Randall : Quand j'étais petit, ma mère m'a donné le Lone Sloane Delirious de Philippe Druillet. C'était mon premier comics. L'image de personnes se flagellant dans un futur cauchemardesque m'avait complètement retourné, à l'époque. Philippe Druillet était unique à mes yeux. Philippe Druillet est absolument génial.
Souhaites-tu œuvrer sur le marché européen, sur une BD française ?
Justin Randall : Je me sens certainement plus à l'aise au sein du marché européen donc oui, j'accueillerais avec joie une telle opportunité.
Si tu pouvais écrire une histoire autour d'un super-héros sur lequel tu n'as jamais encore œuvré, lequel choisirais-tu ?
Justin Randall : Batman, définitivement.
As-tu un comics préféré?
Justin Randall : The Maxx de Sam Kieth.
Si tu avais le pouvoir cosmique de visiter le crâne d'un auteur, de comprendre son art, ses techniques, qui choisirais-tu et pourquoi ?
Justin Randall : Zdzislaw Beksinski. Je trouve son œuvre sombre et terrifiante. Pourtant, lui-même dit que ça n'a jamais été son intention. J'aimerais discuter avec lui de ce qui le motive et de ce qui paraît être chez lui une fascination pour les différentes étapes de la décomposition et de la terreur, malgré le fait qu'il rejetterait probablement une telle description de son œuvre. J'aimerais aussi discuter avec Carlos Castaneda... Ce serait alors une très longue conversation.
Si je te conférais un super-pouvoir, lequel souhaiterais-tu et pourquoi ?
Justin Randall : Voler, parce que voler, c'est le pied.
Si tu n'avais pas dessiné de comics, que ferais-tu aujourd'hui ?
Justin Randall : Je suis professeur à l'université de Curtin, en Australie occidentale. Je suppose que je le serais toujours.
As tu un message particulier pour tes fans français ?
Justin Randall : J'espère que vous appréciez mon travail! Si vous voulez me saluer, vous pouvez me trouver sur la plupart des réseaux sociaux via JRandallArt.
Merci Justin !
Remerciements spéciaux à Alain Delaplace pour sa traduction complète et avisée, et à Jean-Philippe Diservi pour la relecture finale !