C'est avec l'album Far Arden que Kevin Cannon s'est fait connaître en France. Ce récit d'aventures mettant en scène un ancien de la navy, Sharks, se révèle d'un dynamisme et d'un humour étonnant. Lorsque Cratère XV débarque, nous retrouvons le héros dans de nouvelles péripéties. Ces deux petits bijoux du comics indé sont disponibles aux éditions Çà et Là, éditions qui nous ont bien gentiment accueillis sur leur stand pour interviewer Kevin Cannon, un artiste fort sympathique.
interview Comics
Kevin Cannon
Bonjour Kevin Cannon, peux-tu te présenter et nous dire comment tu as commencé à travailler dans l'industrie des comics ?
Kevin Cannon : Je m'appelle Kevin Cannon. Je suis un cartooniste et je viens de Minneapolis, dans le Minnesota, aux Etat-Unis. J'ai commencé à dessiner quand j'étais très jeune mais je n'ai commencé à dessiner professionnellement qu'à la fac. On m'a alors demandé de faire un comics pour le journal des étudiants et j'ai fait un stip hebdomadaire, à la façon des Doonesbury, où je me moquais de mes camarades de classe et de l'école même. Puis j'ai dessiné pas mal de comics, des mini-comics, avant de finir par illustrer Far Arden pour Top Shelf, ce qui a été le titre qui m'a fait connaître.
En parlant de ce que tu as fait avant Far Arden, tu as collaboré à plusieurs reprises avec Zander Cannon - je sais qu'il n'y a aucun lien - Que penses-tu aujourd'hui de ces collaborations ?
Kevin Cannon : Zander Cannon est un artiste incroyable et, quand on a commencé à travailler ensemble, j'étais son stagiaire. J'étais tout débutant, je n'avais même jamais dessiné au pinceau auparavant. Il a été très patient avec moi et il m'a appris à utiliser un pinceau, j'ai aussi appris pas mal de techniques avec Photoshop, etc. Il m'a aussi présenté à beaucoup de gens : on allait ensemble au San Diego Comic-Con et il me présentait à de nombreux éditeurs, des dessinateurs... Je pense que ma carrière lui doit beaucoup car il m'a tout appris.
Vous avez aussi collaboré sur Top Ten...
Kevin Cannon : Je pense que, quand j'étais stagiaire auprès de lui, on a travaillé sur un spin-off de Top Ten intitulé Smax, écrit par Alan Moore. Ma contribution a été minime : quelques compositions, quelques arrière-plans, quelques blagues, ce genre de choses. Puis, quand la saison 2 de Top Ten est sortie et que Zander l'a écrite, j'ai pitché quelques idées pour l'histoire mais c'était tout. Il a quasiment tout fait.
Peux-tu présenter l'histoire de Far Arden et de sa suite, Cratère XV ?
Kevin Cannon : Far Arden et Cratère XV ont pour héros un type nommé Army Shanks, qui est un marin, ancien de la navy. C'est un type plutôt rude, qui hait le monde entier et l'histoire se déroule dans le nord du Canada, près de l'Arctique. On a des vieux navires, des icebergs, des ours polaires, tout ça. Dans la réalité, personne ne vit là-bas, c'est aride, glacé, mais dans cet univers j'ai imaginé que des gens s'y étaient installés, qu'ils y avaient leur propre société. Ce sont un peu des aventures à la James Bond. Dans Cratère XV, Army Shanks se retrouve au milieu d'une sorte de course à la conquête de l'espace entre les Sibériens et les Canadiens. Il y a plein de gags visuels, de duels à l'épée, de combats contre des ours polaires, un peu de tragédie, un peu de comédie... C'est un vaste monde que celui que j'ai créé.
Ces albums sont très volumineux mais néanmoins dynamiques. Pourquoi un tel volume et comment conçois-tu ta narration ?
Kevin Cannon : Le volume est en partie expliqué par le fait que j'aime raconter des histoires et que j'ai tellement d'idées en tête que ça se remplit tout seul. Mais il y a aussi le fait que, quand j'ai voulu écrire mon premier graphic novel, je voulais concevoir quelque chose de conséquent. Je vais souvent dans les conventions et je vois les gens aligner 20 ou 30 dollars pour un titre et, à ce prix-là, je voulais pouvoir leur donner en échange quelque chose de substantiel. Une grande épopée qu'ils pourraient lire et relire pour y trouver à chaque fois de nouveaux détails qui leur avaient échappé. C'était important pour moi de pouvoir offrir une histoire riche, dense. Et on y trouve plein de personnages et de nombreuses sous-intrigues. Et je crois que ça reflète ma manière de penser. Je me demande sans arrêt "mais que fait ce personnage, et comment relier ça à ça ?". J'aime bien remplir mes bouquins à ras-bord.
Une des particularités des aventures de Shanks est que tu traites de nombreuses choses comme des mystères. Quel sera le prochain sujet ?
Kevin Cannon : J'ai quelques idées auxquelles je n'ai pas encore vraiment réfléchi. Je suis à fond dans le hockey, tu connais ? Au Canada, c'est énorme et comme les histoires se déroulent au Canada, je me suis dit que je pourrais faire une histoire autour du hockey. ça c'est une idée. Mais j'en ai aussi un autre où on irait au pole sud. Je ne sais pas où ça finira mais j'ai plein d'idées en tête.
Ça te prend beaucoup de temps à concevoir un album de Shanks ?
Kevin Cannon : Oh oui, ça me prend énormément de temps.
C'est drôle parce que les planches sont très dynamiques, bourrées d'action.
Kevin Cannon : Merci.
Quelles sont tes influences, sur ces albums ?
Kevin Cannon : Je dirais Robert Crumb, Daniel Clowes et Peter Bagge. Quand j'étais à la fac, ce sont les trois artistes que j'ai en quelque sorte découverts au détour de magasins d'occase où j'ai pu trouver leurs comics. Ce sont eux, mes influences au niveau du dessin. Pour ce qui est de l'aspect aventure, ça remonte très loin, à l'époque où j'étais un gros fan de James Bond, enfant. J'aime les artistes venus du nord comme Gary Paulsen, Jack London, des gens comme ça. Je lis aussi pas mal de livre écrits par des explorateurs de l'arctique et on y trouve plein d'histoires où ils manquent de mourir gelés ou bien où ils doivent tuer leurs chiens pour les manger... J'ai toute une nébuleuse d'influences dans ce genre-là.
As-tu, aujourd'hui, d'autres projets en vue ?
Kevin Cannon : Oui, j'ai toujours sous le coude quelques livres sur lesquels je travaille. Pas mal d'entre eux sont des titres à but éducatif, pas de la fiction. Je viens par exemple d'en finir un qui est une introduction à la philosophie. Et c'était très amusant parce que je me suis retrouvé à illustrer des personnages comme Nietzche, John Stewart Mill ou Héraclite. ça c'est le plus gros projet, ça sort en avril aux Etats-Unis.
Peux-on espérer le voir un jour en France ?
Kevin Cannon : J'espère bien ! Ce serait génial.
Ehh bien fais en sorte que oui !
Kevin Cannon : [rires] Oui, ce serait bien !
Lis-tu des comics ?
Kevin Cannon : Pas autant que je le souhaiterais. Je lis beaucoup de comics du coin parce qu'il y a une énorme scène comics, à Minneapolis. Des gens comme Tim Sievert, Will Dinski... Il y a tellement de super dessinateurs, à Minneapolis. J'essaie de lire le plus possible ce qu'ils font.
En as-tu un préféré ?
Kevin Cannon : Oui, je dirais Tom Sievert. Il vient de sortir un livre intitulé The Clandestinauts qui est un livre d'aventure. Et je suis un grand fan.
Si tu avais le pouvoir cosmique de visiter le crâne d'un autre auteur pour en comprendre le génie, qui irais-tu visiter ?
Kevin Cannon : Probablement Jack Davis. Tu connais, il travaillait pour Mad ?
Un célèbre cartooniste
Kevin Cannon : Oui, j'ai grandi en lisant Mad Magazine et son tracé... Chaque fois que je regarde ça, ça me coupe le souffle. Si je pouvais entrer dans sa tête et comprendre comment il fonctionne, ce serait super.
Merci Kevin !