En 2017, les éditions Panini Comics célèbrent leurs 20 ans, notamment lors du festival d'Angoulême. À cette occasion, une sélection d'albums a été produite en série limitée, proposant des couvertures inédites réalisées par des artistes reconnus et provenant du monde de la bande dessinée franco-belge. Avec des résultats aussi étonnants que déstabilisants, inattendus que jouissifs, cette initiative accorde un cachet supplémentaire à l'éditeur de Marvel en France. Présent en Charente durant la période du festival, Sébastien Dallain occupe aujourd'hui le poste de directeur chez Panini Comics. Nous avons eu l'occasion de le rencontrer et de passer quelques minutes avec lui pour faire un bilan de ses 20 premières années. Nous fûmes rejoints très vite par Walter de Marchi, le sympathique responsable éditorial...
interview Comics
Les 20 ans de Panini Comics - Sébastien Dallain et Walter de Marchi
Bonjour, pouvez-vous vous présenter ?
Sébastien Dallain : Je suis Sébastien Dallain, je suis arrivé il y a vingt ans chez Panini Comics. On m'a recruté pour développer Marvel en France et donc j'ai commencé ma carrière au siège de Modena et je suis revenu en France il y a dix ans. J'ai aujourd'hui en charge Marvel, des mangas et des magazines jeunesse et globalement toute l'activité éditoriale de Panini France.
Quel regard portez-vous sur l'évolution de Panini Comics durant ces vingt années ?
Sébastien Dallain : Elle s'est passée à plusieurs niveaux. Déjà d'un point de vue matériel car à l'époque, on travaillait sur des films que l'on envoyait par DHL ou la Poste aux lettreurs. Nous avons débuté en sortant les comics en kiosque avant de très vite les publier en librairie, dès 1999. On a pris un virage qui nous a permis de considérablement accroître notre popularité. La vie des comics a depuis bien changée. Ce que l'on a vu avec les succès de super-héros au cinéma, c'est le regard porté sur les lecteurs de comics et sur les comics en général. On est passé d'un produit de niche à de l'entertainment pur. Si vous dites que vous lisez Spider-Man, vous n'êtes pas ringard, on va vous demander quel est le prochain méchant qui arrive au cinéma !
Le rythme de production des comics est soutenu aux USA. Comment ça se gère pour garder le rythme en France ?
Sébastien Dallain : Nous sommes très organisés. Nous avons au sein de l'équipe des fans de Marvel qui suivent le planning de sortie américain. Nous avons un délai d'environ six mois entre la parution américaine et la nôtre. Cela nous donne une vraie visibilité pour nos sorties fascicules et pour la librairie.
Comment choisissez-vous de sortir une série en kiosque plutôt que directement en librairie ?
Sébastien Dallain : On est guidés par les événements éditoriaux Marvel. En France, ce mois-ci nous avons le crossover Civil War II. Nous avons ensuite des revues anthologiques où on regroupe différents personnages et donc les séries les plus populaires sont publiées dans des mensuels. On a aussi des mini-séries que l'on sort dans des bimensuels.
Au départ, l'écart de parution entre les sorties américaines et françaises était beaucoup plus important...
Sébastien Dallain : Le premier point sur lequel nous avons travaillé pendant la première année et demie a été de remettre sur le même plan chronologique toutes les séries. Il y avait un gros écart entre certaines séries, un an parfois, plus pour d'autres. Une fois tout remis d'équerre et après avoir réuni les diverses séries d'un même héros dans une seule revue, on a toujours continué d'améliorer notre méthode et tenir ainsi jusqu'à aujourd'hui.
Dans l'imagerie populaire, Panini Comics est un énorme éditeur composé de centaines d'employés. Qu'en est-il vraiment ?
Sébastien Dallain : Nous ne sommes pas une très grosse boutique en France. Walter de Marchi, qui est en charge de l'éditorial, gère des collaborateurs qui sont répartis partout en France. Globalement, sur les comics Marvel, nous sommes plus d'une vingtaine de personnes.
Walter de Marchi : On a une vingtaine de traducteurs et si on additionne avec les lettreurs etc, nous avoisinons la trentaine.
Il y a quelques années, la traduction des comics Panini était souvent mise en défaut par des lecteurs. Comment avez-vous pris en compte ce genre de reproches ?
Sébastien Dallain : Evidemment, ça ne fait pas plaisir. On me dit que tel titre a été mal traduit et lorsque l'on ressort le titre dans une autre collection ou via n'importe quelle réédition, nous corrigeons et essayons d'améliorer la qualité des traductions. C'est vrai aussi que lorsque nous avons débuté, certains traducteurs travaillaient pour Marvel depuis des années et faisaient un travail remarquable. Leur style de traduction n'était plus adapté à la conjoncture pendant laquelle les comics sont sortis. Cela a fait débat. À un moment donné, une traductrice a préféré raccrocher les crayons et cesser de traduire pour nous.
Walter de Marchi : Je pense qu'il y avait un changement physiologique. Elle n'était plus à l'aise avec ce que l'on sortait.
Sébastien Dallain : Son style convenait très bien aux séries Conan mais pas aux expressions plus modernes. C'était une personne que j'appréciais beaucoup.
Parlons des séries sorties dans la collection intégrale. Comment se fait le choix des séries ?
Sébastien Dallain : Il y a certaines séries qui fonctionnent mieux que d'autres et qui ont des tomes récurrents tous les ans. Nous avons pour certains titres un vrai travail de reconstitution et cela nous freine sur certains titres.
Walter de Marchi : Par exemple, sur Nick Fury, nous avons préféré attendre que Marvel numérise d'abord le matériel.
Certaines intégrales sont en rupture depuis un long moment. Prévoyez-vous quelque chose pour des cas comme les Fantastic Four de Jack Kirby ou les X-Men de Chris Claremont ?
Sébastien Dallain : Il y a un planning de réédition chaque année. Cela était un vrai problème pour Panini Comics mais on essaie de compléter les titres manquants.
Walter de Marchi : En 2016, on a réédité plus de 100 comics. C'est vrai qu'il faut faire des choix. Notre catalogue est tellement grand qu'il est difficile de pouvoir tout ressortir.
Sébastien Dallain : Je ne fais pas faire de la langue de bois. On a cette contrainte économique. On réédite des albums qui ne marchent pas énormément mais on le fait dès que possible.
De nombreux efforts ont été faits chez Panini Comics en 20 ans. Du coup, que se passera t-il d'ici 20 ans ?
Sébastien Dallain : On sera toujours là ? (rires) À chaque réunion éditoriale, on échange sur les décisions à prendre et sur les modifications à apporter pour essayer de trouver le meilleur rendu possible. Par exemple, fallait-il mettre des couvertures en cartonné aux 100% Marvel ? On a eu des retours positifs et négatifs sur le sujet. Quand on a perdu DC Comics, on s'est remis en question et on a voulu donner le meilleur. On a récupéré d'autres licences comme le Millarworld. Sur DC, on a eu la même approche, à savoir essayer de réorganiser les différentes séries et les replacer sur un même plan chronologique. Cela a servi à un autre éditeur mais c'est comme ça !
Pour les 20 ans de Panini Comics, vous avez imaginé un événement pour le moins original....
Sébastien Dallain : L'idée de faire travailler les auteurs français, je crois que c'est moi qui l'ai énoncé lors d'une réunion et on avait tous envie de faire quelque chose d'exceptionnel. Depuis deux ans, on a eu envie de rapprocher les publics comics et BD. On est parti des auteurs français qui travaillent chez Marvel pour ensuite se dire que l'on pourrait proposer à de grands auteurs de la bande dessinée franco-belge de revisiter des héros Marvel. De fil en aiguille, l'équipe de Walter a souhaité sortir une collection spéciale avec des albums marquants et des couvertures spéciales.
Comment les artistes ont-ils été choisis ? Certains artistes ont été biberonnés par des comics de Marvel alors que d'autres, ce n'est pas le cas....
Sébastien Dallain : Tous ont accepté avec enthousiasme. On a fait une short-list. Grâce aux autres éditeurs, nous sommes parvenus à entrer en contact avec des auteurs. Je remercie tous les éditeurs qui nous ont aidé. C'est grâce à eux que cela est devenu possible. Le premier challenge a été de faire accepter à Marvel que les artistes s'approprient les personnages. Il y avait des critères à respecter mais ils ont reçu avec enthousiasme les travaux.
Merci messieurs !