Après avoir scénarisé des séries de la collection Impact, l’italien Luca Blengino s’impose véritablement dans le métier grâce à deux one-shots des séries concepts de Delcourt : Gold Rush (au sein de le Casse, avec P.Sarchione) et 7 survivants (au sein de la seconde saison des « 7 », aux côtés de Denys). La première met en scène l'attaque d’un train d’or à travers le far-west. Dans le nouveau venu, 7 automobilistes se retrouvent piégés dans un tunnel routier sans fin peuplé de zombis… Partez à la découverte d’un scénariste méticuleux et punchy !
interview Bande dessinée
Luca Blengino
Pour faire connaissance, peux-tu te présenter : qui es-tu et comment en es-tu venu à faire de la BD ?
Luca Blengino : Bonjour. Je m’appelle Luca, je suis italien et j’ai 33 ans. Dans mon pays, je suis scénariste pour le cinéma d'animation et écrivain de romans pour la jeunesse. En France, je travaille comme scénariste de BD depuis 2002. J’en suis venu à faire de la BD après mon premier voyage à Angoulême en 2001, avec mon pote et acolyte Luca Erbetta. Là, on a eu la chance de rencontrer Thierry Mornet, qui a été le premier editeur à me faire confiance… Sans son aide, d'abord, et celle de David Chauvel ensuite, je n’aurais jamais réussi à commencer…
Comment as-tu hérité du scénario d’un des one-shot de la nouvelle collection « 7 » ?
Luca Blengino : C’est David Chauvel qui m’a fait cet énorme cadeau. C’est lui qui m'a envoyé son défi, et il m’a impliqué dans le projet de la Saison 2. J'avais déjà l'idée de me confronter, tôt ou tard, avec un genre narratif séduisant (et très compliqué à réaliser en BD) comme l’horreur. Un one-shot d'une collection idoine a été l'occasion de réaliser ce désir…
Comment t’est venu le pitch de cette histoire de tunnel-piège fantastique ?
Luca Blengino : Peut-être parce que j’habite dans le Piémont, dans les Alpes, à proximité de la frontière française… Souvent, je traverse en voiture les gros tunnels routiers européens, comme celui de Tende ou le Fréjus… Tu vois ce que je veux dire ? Ces structures immenses et en même temps claustrophobiques, avec cette lumière jaune persistante, l’atmosphère accablante, la sortie qui n’arrive jamais… Ponctuellement, chaque fois que je me trouve dans les entrailles d’un de ces trucs je me demande : « Qu’est ce qui se passerait, si je restais piégé ici ? Qu’est-ce que je ferais, si ce tunnel n'avait aucune sortie ? »
Peux-tu nous faire le pitch de l’album à ta sauce, en une ou deux phrases ?
Luca Blengino : Sept voyageurs, pendant une tempête de neige, entrent dans un tunnel routier. Il ne leur faut pas beaucoup de temps pour se rendre compte que :
A) Le tunnel où ils se trouvent est apparemment infini.
B) Il est peuplé par des zombis.
C) Il a, de quelque façon, le pouvoir de réveiller le côté obscur de chacun de ses malchanceux prisonniers.
Leur mission est à la fois la plus simple et la plus compliquée qu’on peut imaginer : survivre. Et, si possible, trouver la bonne façon pour sortir de ce piège infernal.
Quels étaient les ingrédients obligatoires, le cahier des charges narratif fourni par Delcourt ?
Luca Blengino : Tout simplement les mêmes que chaque lecteur peut lire dans la bande-annonce de la série. Sept personnages qui ont une mission à accomplir. Et puis, la longueur du livre, 54 ou 62 pages. Et puis… c’est tout.
Avais-tu d’autres pistes en têtes pour le satisfaire ?
Luca Blengino : À vrai dire… non. J'ai proposé cette histoire et l'éditeur a dit oui. Je n'ai pas eu vraiment le temps d'imaginer à quelque chose d’autre… J'ai pensé à des alternatives, mais après avoir commencé le livre. Chacun des scénaristes de la série 7 a du s'amuser à jouer à ce jeu.
Es-tu (toi aussi) un fan des zombies ?
Luca Blengino : Bien sûr que oui. Mon rapport avec les zombies est très affectueux. Après tout, j'ai grandi avec les films de Romero, ou ceux de réalisateurs italiens comme Lamberto Bava et Lucio Fulci. Après, retrouver toute cette « nouvelle vague » de zombie-movies au cinéma ou à la télé, a été un peu comme rencontrer un vieil ami. Je peux considérer ce livre comme un humble hommage à un genre que j'ai vraiment beaucoup aimé…
As-tu lu tous les précédents albums « 7 » ? Lequel est ton préféré ?
Luca Blengino : Je possède toute la collection. Si je devais choisir, alors je dirais : 7 Prisonniers. C’est un livre génial, écrit par un auteur que j'aime beaucoup, Mathieu Gabella. Un mix parfait de thriller, de science-fiction, d’horreur et d’aventure. A mon avis, c’est la conclusion parfaite pour une collection superbe. J’espère seulement que 7 Survivants ouvrira tout aussi honorablement la deuxième saison.
Tu as également déjà scénarisé un Casse… est-ce que l’approche du concept a été globalement la même ?
Luca Blengino : L'approche a été la même… Même si maintenant, je me rends compte que le résultat final est assez différent. Gold Rush et 7 Survivants sont à la base deux livres différents entre eux. En fait, je m'ennuie, si je dois raconter toujours la même histoire et de la même manière !
Comment la rencontre s’est-elle faite avec Denys ? Connaissais-tu déjà son travail auparavant ?
Luca Blengino : C’est David qui nous a mis en contact. Quand même, je connaissais déjà son travail. En particulier, j'ai aimé Comptine d'Halloween, et Soul Man écrit par David, toujours pour la série Le Casse…
Quels ont été les points forts de votre travail en commun ? Les éventuels problèmes ?
Luca Blengino : Tout ce que je peux espérer, est que LUI n'ait pas eu (trop) de problèmes à se débrouiller avec mon scénario ! Pour moi, ce fut magnifique de collaborer avec un artiste de son niveau. Et qui en outre est… Français ! 7 Survivants est unique pour cette raison : il arrive souvent qu'un scénariste français travaille avec un dessinateur italien. Par contre, les scénaristes italiens qui publient en France travaillent d’habitude avec des dessinateurs italiens ! Ce n’est pas la première fois que cette association se produit dans ce sens (NDLR : cf. Jodorowsky Moebius), mais c’est rare.
Question pourrie : quelles sont ses forces et ses faiblesses ?
Luca Blengino : Eh eh… Peut-on trouver une seule faiblesse chez un dessinateur qui a un découpage parfait ; un trait superbe ; qui arrive à évoquer des atmosphères magnifiques ; qui réussit à exprimer toute sa personnalité artistique sans trahir jamais le style classique de la BD Franco-belge ; et qui, en outre, est très professionnel, ponctuel et précis ? Bon, peut-être que le seul bémol à notre collaboration est que, pour la première fois, j'ai travaillé avec quelqu'un que je ne connaissais pas personnellement, et avec lequel je n'ai communiqué que par email. J'espère que la sortie du livre sera une bonne occasion pour le rencontrer (et le remercier) personnellement.
Et les tiennes ?
Luca Blengino : Sur ce point, je le laisse lui et Mister Chauvel te répondre… Et naturellement, les lecteurs aussi.
N’y avait-il pas un « piège graphique » dans ce huis clos du tunnel (un décor unique et relativement « pauvre ») ? Quels ont été les astuces pour contourner ce problème ?
Luca Blengino : Bien vu ! Je peux affirmer que le tunnel est certes un piège épouvantable pour les personnages… mais dans le même temps, un piège aussi pour les auteurs qui ont travaillé sur cette histoire. Lorsque j’ai proposé pour décor ce lieu presque entièrement fermé, minimaliste, sans possibilité de variation, toujours éclairé de la même façon… j'étais presque sûr que personne ne serait assez fou pour s’y confronter. David, Denys et Delf ont été très courageux pour relever le défi de ce cauchemar narratif et graphique. L'unique arme pour y arriver sans devenir fous, a été les découpages impeccables de Denys, le choix de ses cadrages. Voilà la raison pour laquelle je dis que son story-telling est pratiquement parfait. Seulement un artiste véritablement hors classe pouvait réaliser une histoire si épatante avec si peu d'éléments à sa disposition.
Es-tu un gros lecteur de BD ? Quels sont tes dernières bonnes lectures, celles que tu recommanderais ?
Luca Blengino : Oui, naturellement je suis un gros lecteur de BD. Qu’est-ce que je peux recommander ? Naturellement tous les livres des Éditions Delcourt… Et en particulier ceux écrits et / ou édités par David Chauvel. Ahaha ! Sinon, un album que j'ai lu récemment et que personnellement j'ai vraiment bien aimé, c’est Lydie de Jordi Lafebre et Zidrou, aux Éditions Dargaud. Un livre qui m'a ému : délicat, élégant, poétique, émouvant… Raconté d’une façon superbe !
Quels sont tes projets, actuellement ?
Luca Blengino : Je suis en train de commencer deux nouveaux livres, mais c’est un peu tôt pour en parler. En revanche, je peux parler du prochain album que je publierai, toujours chez Delcourt. Il sortira au second semestre 2011 et il s’appellera L'astrolabe de Glace, la première partie d'un diptyque historique. C’est un album à suivre parce que sera la révélation, pour le public français, d'un dessinateur tout simplement prodigieux : Antonio Palma de Rome, un débutant de seulement 25 ans, au talent surprenant, que j'ai eu l'énorme chance de connaître et de séduire avec mon scénario.
Y a-t-il un dessinateur avec lequel tu rêverais de collaborer ?
Luca Blengino : Tous ceux qui ont envie de dessiner un de mes scénarios !
Si tu avais le pouvoir cosmique de pénétrer dans le crâne d’un autre auteur (pour comprendre ses ficelles, cerner sa démarche artistique…), ce serait qui et pour y trouver quoi ?
Luca Blengino : J'aimerais entrer, dans le bon ordre, dans la tête de : Fabien Vehlmann, David Chauvel, Pascal Bertho, Alain Ayroles, Michael Le Galli, Jean-David Morvan, Mathieu Gabella. J’amerais découvrir les trucs et astuces qui ont été utilisés pour réaliser une si bonne première série de 7… De cette façon, peut-être que je pourrais mieux discerner si mon travail est à la hauteur du leur.
Merci Luca !