La cosa nostra est à l’origine de nombre d'ouvrages ou de films. Logiquement, la BD n'est pas en reste. Fin 2011, la collection Hostile Holster d'Ankama s'est penchée sur le thème avec Mafia tabloïds, un album consacré à l'une des victimes les plus célèbres de l'organisation criminelle : Pepinno Impastato. Ce journaliste, fils de mafieux, a lutté comme il pouvait contre ce système et sa mort a marqué les consciences. Lors de leur passage pour le festival d'Angoulême 2012, nous avons eu la possibilité de converser avec les deux auteurs à l'origine de cet album. Des italiens volubiles et sympathiques, passionnés par la lutte contre les injustices !
interview Bande dessinée
Marco Rizzo & Lelio Bonaccorso
Bonjour Marco Rizzo et Lelio Bonaccorso, pouvez-vous vous présenter ?
Marco Rizzo : Bonjour, j'ai découvert la bande dessinée tout seul, en lisant beaucoup dès l'âge de 5 ans. J'ai créé un site internet et vers l'âge de 18 ans, j'ai publié mes premières histoires courtes. J'ai ensuite réussi à mélanger mes deux passions, celle pour la BD et celle pour le journalisme.
Lelio Bonaccorso : J'ai moi aussi cette passion pour la BD depuis que je suis tout petit. J'adorais Mickey. En grandissant, je rêvais de devenir dessinateur ou alors aventurier comme Indiana Jones. J'ai fait le choix de la BD et mon premier livre est Mafia Tabloïds. J'ai depuis fait plusieurs albums dont un sur le Che Guevarra. Je travaille aussi un peu pour le cinéma.
Quelles sont vos influences ?
MR : Il y a beaucoup de comics, ceux de super héros, Vertigo etc. En lisant toutes ces bandes dessinées, j'ai adoré certains auteurs comme Frank Miller ou Grant Morrison. Petit à petit, j'ai découvert d'autres grands noms comme Jean Van Hamme. J'essaie de les analyser pour mieux m'appliquer à mon métier de scénariste. Je suis aussi énormément inspiré par le cinéma et les livres de science-fiction. Tout ça se mélange. Dans mon approche journalistique, Joe Sacco est vraiment un maître du journalisme en BD.
LB : J'essaie toujours de trouver des références selon le genre d'histoires à laquelle je m'attaque. Bien sûr, il y a des auteurs que j'apprécie plus que tout, comme Alberto Brescia ou Jordi Bennet. Eduardo Risso a un découpage très dynamique aussi. Je cherche toujours à varier mon approche et mes influences changent souvent.
Comment l'idée de raconter l'histoire de Peppino vous est-elle venu ?
MR : Je connaissais l'histoire depuis longtemps car elle est très connue en Sicile mais aussi dans toute l'Italie grâce au film Les cent pas. Tous les ans, à Cinisi, il y a une manifestation où l'on parle de ce qui s'est passé et il y a de nombreux débats. J'ai découvert Peppino au travers d'un livre dans lequel figurait une interview de sa mère. Mafia Tabloids a été le premier album que j'ai présenté à mon éditeur, mais il n'a pas forcément été le premier à sortir.
LB : Le film est vraiment connu et lorsque Marco m'a proposé son histoire, je trouvais vraiment intéressant de parler du peuple sicilien. C'est une opportunité de parler d'autres choses que de la mafia, de montrer le courage des gens, que l'on n'oublie pas.
Comment avez-vous sélectionné les moments importants de la vie de Peppino ?
MR : C'était difficile de choisir, le film en ayant déjà montré beaucoup. Je ne voulais pas faire une redite. On a donc choisi des épisodes plus obscurs de sa biographie. On a interviewé son frère et l'un de ses amis. Notre album n'est pas vraiment une biographie mais plutôt un message sur le contrôle qu'exerce la mafia. Ankama a fait un excellent travail et le frère de Peppino, lorsqu'il l'a appris, était très content.
La pression de la mafia existe-t-elle encore ?
LB : Non pas vraiment. En tout cas, pas pour nous. Il faut dire que la bande dessinée est considérée comme un art mineur en Italie et pour les enfants. C’est jugé moins dangereux qu'un livre classique. Cela nous a permis de faire passer le message à tout le monde, c'est le plus important.
MR : J'ai eu plus d'ennui avec une autre de mes bandes dessinées. On m'a même dit qu'heureusement que cela n’était qu'une BD car sinon... Pour Mafia Tabloids, cela a été. Je reçois parfois des appels pour des articles que j'écris mais pas dans le cas présent. A présent, la mafia fait beaucoup plus attention à ce qu'elle fait, les gens peuvent rapidement se manifester contre elle et ce n'est pas ce qu'elle veut.
Depuis, vous avez tous les deux continué sur un personnage célèbre : le Che !
LB : Réaliser la BD sur le Ché a été un défi. Cela a été très difficile au vu du nombre d'informations qu'on a cherché, surtout Marco. Mais aussi parce que Che Guevarra est un symbole différent selon les personnes. Lorsque j'ai commencé à le dessiner, j'ai voulu retranscrire ses qualités mais aussi ses pensées. Ce n'est pas une biographie à proprement parler, car nous nous sommes basés sur certaines biographies, plus que sur d'autres.
MR : Le Che nous a toujours passionnés. C'était un homme de culture, qui laisse une idée de liberté. A travers cette BD, nous avons essayé de parler d'un homme et de l’icône. Il y a un véritable message universel derrière lui.
Quel personnage d'aujourd'hui vous donnerait envie de créer une histoire ?
MR : L'histoire récente dispose de beaucoup de personnages intéressants. On pourrait en faire une sur Berlusconi qui, même s'il n'est plus au pouvoir, a toujours autant de pouvoir. Les jeunes ne connaissent personnes d'autres que lui et il faudra beaucoup de temps pour que le pays s'en remette. C'est un peu notre Joker ou notre Lex Luthor en Italie. Il n'est pas aussi stupide que ce qu'on pourrait croire.
LB : Il y a beaucoup de chose que j'aimerais raconter. Un jour, je ferai une bande dessinée sur mon grand-père, un homme que je n'ai jamais rencontré et qui s'est battu pendant la seconde guerre mondiale en Égypte. Il y a aussi Mohamed Ali, un homme génial qui s'est battu pour la liberté raciale et pour créer sa propre légende.
Vous avez tous les deux travaillé dans le monde des comics. Lelio, tu as dessiné pour Marvel. Marco, tu es l'un des rédacteurs des revues kiosques chez Panini...
LB : C'est vrai qu'on adore tous les deux les comics. Je suis un grand fan d'Alan Moore et de Watchmen. J'ai fait deux histoires pour Marvel sur des séries parallèles à Fear Itself. J'ai aussi fait une histoire dans une anthologie Vertigo.
MR : J'aimerais présenter mes différents travaux aux USA, mais je ne l'ai pas encore fait. Je travaille déjà pour Panini chez qui je m'occupe du rédactionnel de certaines revues.
Si vous aviez la possibilité de visiter le crâne d'un autre auteur pour en comprendre son génie, qui choisiriez-vous ?
LB : Mœbius ou Bernet. Si je ne dois en dire qu'un seul, je choisirais Bernet car il a une façon unique de raconter les histoires et de dessiner les personnages.
MR : Pour moi, j'hésiterais forcément entre Alan Moore et Jean Van Hamme, mais je pense que je dirais Van Hamme. Rentrer dans la tête d'Alan Moore risque d'être dangereux.
Gracie mille !