Années après années, Xiao Pan continue de nous faire découvrir de jeunes talents chinois. Qian Yu est de ceux-là et sort en France La nuit du fantôme, le premier volume des aventures du Dr Li, un médecin de la Chine médiévale résolvant des mystères, ambiance Agatha Christie. Petite interview avant une grosse séance de dédicace.
interview Manga
Qian Yu
Bonjour. Pouvez-vous vous présenter brièvement au public français ? Quel est votre parcours ?
Bonjour, je m’appelle Qian Yu. Je suis venue assez tôt à faire de la BD par passion et je ne pensais pas au départ que cela allait devenir ma profession car c’est plutôt rare en Chine. Mais est venu un moment où je n’ai plus pu m’arrêter !
Et avez-vous suivi une formation artistique spéciale ?
Non, je suis complètement autodidacte.
Vous avez fait vos débuts dans le monde de l’illustration. Cela a été une révolution pour vous de passer au format BD ?
En fait, c’est une méprise. J’ai commencé par faire de la BD, mais cela n’a pas vraiment été publié. Beaucoup de gens ne le savent pas car je me suis surtout fait connaître en faisant des illustrations.
C’est ce qui est indiqué dans la préface du premier tome des enquêtes du Docteur Li…
Alors, il faudra corriger la préface ! (Rires) Mais c’est vrai qu’en tant que professionnelle, j’ai d’abord fait des illustrations. En fait, j’ai fait quelques prépublications à mes débuts dans un grand magazine de bandes dessinées chinois mais ces travaux étaient souvent associés à des illustrations. J’étais donc beaucoup plus connue pour cela que pour mes BD de l’époque car c’est quelque chose que j’avais poussé plus loin. Du coup, seuls ceux qui lisaient ces magazines il y a longtemps et qui sont à peu près de ma génération savent que je suis originellement auteur de BD. Tous ceux qui sont venus après n’ont jamais fait le lien et pensaient que j’étais seulement illustratrice.
Vous travaillez apparemment beaucoup sur ordinateur. Réalisez-vous votre travail entièrement à l’aide de cet outil ou avez-vous aussi une phase sur papier ?
Non, pour cet album, lorsque j’ai vu qu’il y avait plus de 100 pages tout en couleurs, je me suis dit que je devais tout faire sur ordinateur car, sinon, je ne m’en serais pas sortie toute seule. Mais d’habitude je travaille aussi sur papier et je prépare parfois des dessins que je scanne ensuite pour la mise en couleur.
On voit très peu de différence entre vos illustrations réalisées à l’ordinateur et celles sur papier. Faites-vous exprès de faire en sorte que l’utilisation du numérique ne se voit pas trop ?
J’ai effectivement la volonté d’utiliser l’ordinateur de la même façon que je dessine sur papier. J’ai veux avoir le même rendu car c’est une identité visuelle que je veux conserver. C’est dans ce style que je me sens le plus à l’aise et j’utilise donc l’ordinateur d’un point de vue pratique mais en gardant un rendu « papier ».
L’ambiance du scénario fait penser aux œuvres d’Agatha Christie. Même si l’histoire est adaptée d’un roman de Ye Ping Ping, est-ce que ce genre d’histoires fait partie de vos influences ?
Oui, j’aime beaucoup ce style d’histoires. J’ai surtout vu les films adaptés des œuvres d’Agatha Christie et je les apprécie énormément. C’est un style que j’adore, les enquêtes policières. Il y a aussi Sir Arthur Conan Doyle et même des auteurs japonais du même genre. J’aime beaucoup lorsqu’il s’agit d’un détective à l’ancienne, qui mène toute l’enquête seul, avec une loupe à la main, contrairement à ce qui se fait actuellement où la tendance est plus au travail d’équipe, comme dans la série TV Les experts par exemple. Je pense que mon histoire s’inscrit totalement dans ce style à l’ancienne.
Et sinon, avez-vous des influences particulières en termes de dessin ?
J’ai beaucoup aimé la série Touch de Mitsuru Adachi (ndlr : publiée en France chez Glénat) lorsque j’étais plus jeune. J’aime son style narratif avec parfois des passages entiers sans dialogue mais où tout est raconté par les expressions et les mouvements des personnages. C’est un style que je respecte énormément. Je ne sais pas ce qu’il m’en reste aujourd’hui mais cela m’avait beaucoup marqué.
D’autres enquêtes du Docteur Li sont d’ores et déjà prévues, au moins quatre. A part cela, avez-vous d’autres projets déjà établis ?
Pour le moment, je suis à fond dans cette série et je n’ai rien d’autre de prévu, à part pas mal de travaux d’illustrations. Je suis assez occupée et je verrai un peu plus tard pour de futurs projets.
Combien de temps avez-vous mis à réaliser ce premier tome ?
Environ un an.
Suivez-vous des séries en ce moment ? Quelles sont vos dernières lectures BD ?
En fait, je n’ai pas trop le temps de lire en ce moment, même si j’ai toujours une ou deux BD sous la main. Je suis seulement quelques séries policières à la télévision. En général, je dessine toute la journée, puis je regarde deux épisodes de séries TV avant de m’écrouler ! Je n’ai pas vraiment le temps de me plonger dans une série de bandes dessinées.
Si vous aviez le pouvoir de vous téléporter dans le cerveau d’un autre auteur, qui choisiriez-vous ?
Il faut que je réfléchisse… Il y a un manga de Reiko Shimizu qui s’appelle Princesse Kaguya (ndlr : édité en France chez Panini) et qui est l’adaptation d’un roman très connu. J’aimerais bien comprendre de quelle façon l’auteur arrive si bien à exprimer le caractère des personnages de manière très simple, très pure et en même temps très expressive.
Et si vous aviez le pouvoir de revenir en arrière pour corriger une partie d’une de vos œuvres, le feriez-vous ?
Si je pouvais remonter dans le temps, je referais tout ce qui concerne mes personnages : je travaillerais mieux leurs caractères et je développerais mieux leurs expressions, leur design général… Surtout dans la première partie, il y a quelques lacunes dans les proportions et j’aurai bien aimé faire quelque chose de plus propre au final.
A l’inverse, de quoi êtes-vous la plus fière ?
Je pense que cette œuvre a deux points forts : la couleur, dont j’aime beaucoup le résultat et que je me suis bien éclatée à faire, et l’histoire en elle-même, que j’adore.
Que pensez-vous de l’accueil qui vous est réservé en France ? Pensiez-vous qu’un public étranger serait autant intéressé par vos œuvres, très chinoises ?
Je suis très contente de votre accueil. Je pense que ce genre d’histoires a un vrai potentiel pour plaire à un public varié, et donc aussi à l’étranger. C’est une histoire intemporelle qui pourrait arriver n’importe où et à n’importe qui. Mettre tout cela dans un décor chinois traditionnel peut en plus attirer un autre type de public intéressé par ce genre d’ambiance. Je suis assez confiante dans le fait que cela peut plaire à n’importe qui.
Y a-t-il une question que je n’ai pas posée, ou que personne n’a pensé vous demander, et que vous aimeriez que je vous pose ?
(Rires) Non, pas spécialement.
Et vous, avez-vous une question à nous poser ? Ou un message à faire passer aux lecteurs de l’interview ou de votre manhua ?
Je remercie tous les lecteurs français et j’espère que le second tome vous plaira également. D’ailleurs, ce second tome sera beaucoup mieux, vous verrez !
Merci !
Merci aux éditions Xiao Pan et à Yann pour la traduction !