interview Comics

Roland Boschi

©Panini Comics édition 2011

Moebius fut l'un des premiers artistes français à œuvrer dans le monde des comics. Aujourd'hui, il n'est plus le seul : toute une génération d'auteurs sevrés aux Strange et consort se lancent dorénavant chez des éditeurs prestigieux comme Marvel ou DC Comics. Roland Boschi en est l'un des plus récents exemples et aussi un des plus reconnus. En moins de trois ans, il s'est déjà illustré sur le Ghost Rider et sur le Punisher avec des scénaristes de renom (Jason Aaron et Rick Remender). Profitant de son passage sur le stand Panini, nous sommes partis converser avec lui sur ce début de carrière tonitruant...

Réalisée en lien avec les albums Marvel Saga – V 1, T8, Ghost Rider T7
Lieu de l'interview : Festival d'Angoulême 2011

interview menée
par
12 février 2011

Bonjour Roland, comment en es-tu arrivé à faire de la bande dessinée ?
Roland Boschi : Bonjour, j'ai commencé par travailler comme storyboarder dans le dessin animé et designer pour des séries télé. J'ai toujours nourri l'espoir de placer des projets, de faire de la bande dessinée et j'étais autant attiré par la BD franco-belge que par les comics américains. Je me suis nourri avec Strange, les éditions Lug. Et donc j'ai toujours essayé de développer quelque chose du côté de Marvel. J'ai eu la chance de rentrer chez Marvel il y a trois ans et où j'ai débuté sur la série Ghost Rider avec Jason Aaron.

Pourquoi ce choix de te lancer directement dans les comics ?
RB : Le hasard a fait que le premier éditeur à m'avoir laissé une chance a été Marvel. J'étais un grand passionné de ce qu'il faisait et comme j'ai eu cette opportunité, je me suis lancé sans attendre !

© Roland BoschiQuelles sont tes influences ?
RB : Je pourrais citer des centaines d'artistes dans les comics ou la BD. Celui qui m'a le plus marqué est Régis Loisel avec La quête de l'oiseau du temps. C'est vraiment une BD marquante, il y a de l'aventure, du récit, du dessin, du cadrage ou de la narration. J'adore aussi Jordi Bernet, Franquin et bien d'autres. La liste est loin d'être exhaustive !

Que penses-tu de L'avant quête ?
RB : C'est toujours d'excellente facture. Les dessinateurs qui l'illustrent sont dans la même veine que Régis Loisel. Ma voie graphique n'est pas la même, mais j'adore ce qu'ils font.

Comme on en parlait un peu plus tôt, tu as débuté sur le Ghost Rider, c'est un personnage qui te plaisait ?
RB : Oui, vraiment. Le portfolio que j'avais soumis à Marvel contenait beaucoup de planches sur le Ghost Rider, parce que je trouvais qu'il était un peu sous exploité en terme de scénario. J'ai eu la chance de tomber sur un écrivain qui a écrit quelque chose de consistant. Cela a été un grand plaisir de le faire avec Jason Aaron. La sensibilité de motards, le côté un peu trash, Ranxerox, toutes ces choses violentes et rock'n'roll me plaisent.

Nous t'avons ensuite retrouvé sur le titre Franken-Castle, une série basée sur le personnage du Punisher...
RB : J'ai adoré ! J'aurais aimé en faire plus. L'idée était totalement saugrenue mais ça fonctionne très bien.

Cela n'a-t-il pas été difficile pour toi d'enchaîner avec le style de Tony Moore ?
RB : C'est toujours délicat d'arriver dans une série en cours. Je ne suis pas toujours au fait de ce qui se passe chez Marvel, car j'ai souvent la tête dans le guidon. Effectivement, c'est délicat et l'univers est très travaillé, il y a de très beaux designs de Tony Moore. J'ai pu m'y mettre après une semaine d'adaptation, mais je suis très content du résultat. Pour le lecteur, essayer de garder les codes de la série et le design en place est quelque chose d'obligatoire. Le scénario exigeait aussi que je reprenne l'histoire à un moment précis. En faisant cela, je le faisais à ma sauce quand même et j'ai tout de même pu m'exprimer pleinement.

Sur quoi travailles-tu en ce moment ?
RB : Je travaille toujours avec le même scénariste, Rick Remender, sur la série Punisher. Je suis en train d'achever une nouvelle mini-série avec un Punisher qui est redevenu comme avant. On revient aux fondamentaux du personnage. Le Punisher a guéri et n'est plus le Franken-Castle, il a de nouveau une apparence normale mais vit toujours dans son repaire secret. Il n'a plus de super pouvoirs et redevient totalement normal.

© Roland BoschiComment se passe ta collaboration avec Rick Remender, justement ?
RB : C'est vraiment très libre, on s'échange quelques mails. Les scénarii sont bien en place, c'est très bien découpé. Ensuite, je m'adapte, je retranscris l'histoire autant que je peux et je prends le plaisir que je peux dans mes dessins ! On ne rentre pas dans des grands débats de collaboration, on fait tous les deux notre boulot.

Tu as la possibilité d'intervenir sur le scénario ?
RB : C'est surtout au niveau des dessins où je vais pouvoir apporter ma touche, que se soit dans un décor, dans la façon de placer les personnages, les détails. Le scénario est très bien comme il est, je n'ai donc pas à intervenir ou changer des choses. Effectivement, on peut amener des idées dans le dessin mais ça s'arrête là.

As-tu d'autres projets ?
RB : Normalement, je devrais faire une nouvelle série sur Wolverine qui prendra place dans le nouveau concept Marvel qui s'appelle Fear itself, un nouveau crossover où Juggernauts sera devenu surpuissant, il y aura un démon asgardien, ça se passe à San Francisco. En tout cas, c'est ce qu'on m'a dit.

Avec qui tu collaboreras-tu du coup ?
RB : Je ne sais pas encore.

© Roland BoschiY-a-t-il des lectures récentes qui t'ont particulièrement plu ?
RB : J'ai adoré le Punisher de Goran Parlov et de Garth Ennis. Je devais faire un Punisher spécial avec Jason Aaron et j'ai voulu voir ce qui s'était fait récemment. Je suis tombé sur leur travail et j'ai beaucoup aimé cette narration très cinématographique. Je trouve que cela collait très bien au Punisher et plutôt que de partir dans quelque chose de très graphique, de très compliqué, j'essaie de suivre un story-telling similaire et que cela soit agréable à lire. Sinon, j'avoue suivre particulièrement les différents travaux de Gabriele Dell'otto et Giuseppe Camuncoli (NDLR : présents à ses côtés lors du festival d’Angoulême 2011). Idem pour Riccardo Burchielli. Je suis forcément plus sensible au graphisme et suis donc attentivement Leinil Francis Yu ou John Romita Jr.

De plus en plus d'auteurs français se lancent aux USA, qu'en penses-tu ?
RB : C'est assez logique. Tout ce que je peux voir de mon petit endroit, c'est que les gens se croisent, la mondialisation de la BD se fait. Tout le monde peut désormais se nourrir de lectures venant du monde entier et essayer de se lancer dans ce qui lui plait.

Si tu avais la possibilité de travailler sur une série sur laquelle tu n'as jamais travaillé ?
RB : J'avoue être très emballé sur mon prochain projet. L'essentiel est d'avoir une bonne histoire. Je ne saurais pas te dire si je veux me lancer dans Hulk ou autres. Le but est d'avoir une osmose avec son scénariste et proposer la meilleure histoire possible.

Si tu avais une gomme magique pour corriger un détail ou une partie de tes planches, souhaiterais-tu l'utiliser ?
RB : Oui, j'aimerais bien refaire certaines cases qui ont été faite dans l'urgence. Je pourrais reprendre point par point ce qui me déplait. Mais je n'ai pas trop de regret sur mon travail. J'essaie toujours de faire mon maximum, il arrive parfois que des choses coincent, mais cela évolue avec le temps. J'utiliserai volontiers la gomme magique !

Si tu avais la possibilité de visiter le crâne d'un autre auteur afin de comprendre son génie, ses techniques, qui irais-tu visiter et pourquoi ?
RB : J’aimerais aller chez Simon Bisley, Bill Sienkiewicz, Sergio Toppi.

As-tu envie de créer toi-même tes propres récits ?
RB : J'ai quelques idées, des trucs dans le tiroir, mais je n'ai pas ce talent de l'écriture. Pourquoi ne pas réutiliser le pouvoir magique pour visiter le crâne de Jason Aaron et Rick Remender, ce serait pas mal.

Merci beaucoup Roland !

© Roland Boschi