Malheureusement méconnu en France, Simon Davis est un des grands artistes britanniques issus de l'écurie 2000AD au cours des années 90. Graphiste et artiste à la base, Simon a toujours été intéressé par l'univers des comics et a notamment travaillé sur des séries telles que Sinister Dexter ou Judge Dredd ainsi que sur des couvertures pour l'éditeur américain Image Comics. Dernièrement, il aura illustré Sláine : The Brutania Chronicles et c'est à cette occasion, au détour du Lille Comics Festival que nous avons eu la chance de pouvoir discuter avec cet artiste.
interview Comics
Simon Davis
Bonjour Simon Davis, peux-tu te présenter et nous dire comment tu as commencé à travailler dans l'industrie des comics ?
Simon Davis : Je m'appelle Simon Davis et j'ai commencé à travailler pour le magazine 2000AD, au Royaume-Uni, il y a une vingtaine d'années. Ma première publication dans le magazine date de 1993. Je suis entré à 2000AD de la manière classique : j'ai envoyé beaucoup d'exemples de mon travail à l'éditeur, j'ai reçu de nombreux refus. Quand l'éditeur fait bien son travail, il t'indique les différents points sur lesquels tu dois t'améliorer et donc, petit à petit, on en est arrivé on point où il a considéré mon travail digne d'être publié et voilà, tout a commencé par là.
Quelles sont tes influences ?
Simon Davis : Comme mes illustrations sont entièrement peintes, j'ai été naturellement influencé par des travaux de la même nature. Dès que j'ai commencé à vraiment dessiner ou plutôt à peindre des comics, mes influences, pour ce qui est des britanniques, étaient Simon Bisley et son travail sur Slaine, notamment The Horned God. Aux Etats-Unis, il y avait un groupe de peintres qui œuvraient à la même époque tels que John Muth, Kent Williams, George Pratt, Dave McKean et Bill Sienkiewicz... C'est le travail de ces gens que j'ai particulièrement aimé et ils m'ont donné l'espoir de pouvoir utiliser la peinture dans l'illustration de comics avec succès et aussi de pouvoir en vivre.
Tu as surtout travaillé pour 2000AD, en Grande-Bretagne. Sorti de là, ton travail aux Etats-Unis s'est limité à des couvertures pour Image Comics. Comment se fait-il que tu n'ais pas été sollicité pour travailler là-bas ? Ou bien est-ce une volonté de ta part ? Un problème de rythme de production, peut-être ?
Simon Davis : Déjà, les chances pour que l'on me voit faire là-bas autre chose que des couvertures sont très limitées. J'ai jusqu'à présent travaillé non-stop pour 2000AD avec des illustrations entièrement peintes. Leur approche éditoriale, chez 2000AD, est très relâchée dans le sens où ils te communiquent le script et te laissent ensuite le champ relativement libre pour l'illustration. Je me contente de communiquer les ébauches et l'éditeur me donne alors le feu vert. Il n'y a aucune interférence à ce niveau-là. Et je me suis toujours dit que travailler aux Etats-Unis s'avérerait assez pénible. Je préfère la simplicité, j'ai toujours été en faveur de ça. En plus, je n'ai jamais vraiment accroché au truc des super-héros, je n'ai jamais particulièrement aimé Superman, Batman, les X-Men ou ce genre de trucs. J'apprécie le travail que d'autres ont fait sur ces personnages, comme Bill Sienkiewicz et ce qu'il a fait sur Daredevil. Kent Williams était fantastique avec Wolverine, j'ai adoré. C'est juste que ce n'est pas pour moi et c'est pour ça que je suis resté là. Je suppose que je suis plus sensible à la mode narrative européenne, plus qu'à la mode américaine.
Une question plus pointue, maintenant ! Tu as aussi travaillé sur la série Sinister Dexter, avec Dan Abnett. J'ai toujours été intrigué par le fait que, pendant un long moment, tu as illustré le personnage de Sinister avec une drôle de nez rouge. D'où est-ce que ça venait ?
Simon Davis : Ça remonte aux débuts de ma carrière et peut-être que je ne le referais pas si je devais illustrer la série maintenant. Dans sa description du personnage, Dan Abnett décrivait 'Finny' [Sinister] comme étant morbidement pâle et alcoolique. Naïvement, j'y suis allé franchement et je l'ai peint entièrement blanc et, pour son alcoolisme, j'ai ajouté ce nez rouge. C'est parti de là. Mais les autres illustrateurs ont petit à petit abandonné cet aspect et je crois que moi-même, dans les dernières histoires que j'ai illustrées, j'ai abandonné le nez rouge. C'était plutôt une erreur, à la base.
Ton actualité du moment, c'est la sortie de Brutania Chronicles, une aventure de Slaine. Peux-tu nous en dire quelques mots ?
Simon Davis : Bien sûr ! J'avais auparavant travaillé avec Pat Mills sur une série intitulée Black Siddha pour Judge Dredd Megazine et j'ai adoré collaborer avec lui. C'est un auteur génial, incroyablement enthousiaste et toujours prêt à t'aider. J'avais donc hâte de pouvoir de nouveau travailler avec lui. J'ai aussi toujours été un grand fan de Slaine, c'est le personnage qui m'a amené à lire 2000AD et à vouloir y travailler. L'année dernière, cela faisait 20 ans que j’œuvrais dans les comics et je me suis dit que pour marquer le coup, ce serait bien de pouvoir travailler sur Slaine. J'ai contacté Pat par email et il a été partant. Clint Langley arrivait au terme de son cycle sur Slaine et c'était donc le bon moment pour reprendre la série à partir de là. Pat et moi avons commencé à échanger des idées et ce qu'il y a de bien avec Pat, c'est qu'il est toujours très ouvert aux suggestions. Il m'a donc demandé "Qu'est ce que tu aimerais illustrer ?" et moi je lui ai répondu "Des géants, des sirènes..." Je souhaitais revenir à ce style de fantasy, cet univers. Quelque chose de moins sombre que ce que fait Clint : quelque chose de lumineux, dans les grands espaces, un peu comme ce que faisait Mike McMahon, même s'il dessinait en noir et blanc. Je voulais revenir à cette ambiance naturelle, liée à la terre. Mais j'aime beaucoup, quand même, ce qu'a fait Clint et c'est ça, la beauté d'un personnage comme Slaine, le fait que tous ces dessinateurs aient apporté quelque chose de positif à l'édifice de la série. Et je me suis donc efforcé d'apporter ma propre pierre à ce personnage jusqu'ici brillamment illustré.
Quels sont tes futurs projets ?
Simon Davis : La première partie de Brutania Chronicles a été réunie dans un album sortant en janvier et j'en suis à cinq épisodes réalisés pour la deuxième partie et ça devrait m'occuper encore jusqu'au nouvel an 2015. Après ça, je crois que Pat a des projets pour un troisième volume donc je devrais continuer à travailler sur Brutania Chronicles dans l'avenir immédiat et c'est une très bonne chose car j'adore cette série.
Existe-t-il une série ou un personnage de comics que tu aimerais illustrer ?
Simon Davis : Je pense que le seul type de personnage que j'apprécie réellement, sorti de 2000AD, c'est Hellboy. J'adore ce personnage mais je suppose que tout le monde a du dire la même chose.
Je te le confirme ! Je crois que tu es le troisième ou le quatrième, aujourd'hui !
Simon Davis : Oh mais c'est un travail de génie ! Je crois que ça vient du fait que Mignola dégage cette sorte d'enthousiasme et qu'il a créé ce personnage, cet univers et il écrit ces scénarios, ces aventures de Hellboy... Tout cela résonne avec ce qui m'a donné envie, en premier lieu, de travailler dans l'univers des comics. Et c'est sans doute pour cela que tout le monde a répondu la même chose, c'est tout simplement brillant. Un des plus grands comics qui ait été réalisé, pour autant que je m'en souvienne. Fabuleux. Je comprends sans problème pourquoi ma réponse est un tel cliché.
Si tu avais le pouvoir cosmique de visiter le crâne d'un autre auteur pour en comprendre le génie, qui irais-tu visiter ?
Simon Davis : Il y a une expo sur lui en ce moment, à Londres, sur l'oeuvre d'Egon Schiele. Il est mort à l'âge de 28 ans, je crois, et son oeuvre est tout simplement incroyable. J'aimerais pouvoir habiter l'esprit d'un véritable génie, voir comment c'est et quel effet cela lui faisait, d'avoir ce génie. Était-ce difficile ou bien facile ? J'imagine que c'était difficile mais ce serait vraiment intéressant. Je n'arrive pas à concevoir comment il pouvait arriver à être aussi talentueux, si jeune. Sa mort, à cet âge, c'était une tragédie. Il y a beaucoup d'autres artistes que j'aimerais ainsi visiter, comme Toulouse-Lautrec. Un artiste fascinant et ce serait merveilleux de pouvoir comprendre son art.
Merci Simon !
Remerciements à Arno, Fanny, Julien et à l'organisation du Lille Comics festival, et à Alain Delaplace pour la traduction laser !.