interview Bande dessinée

Yann Tisseron

©Drugstore édition 2012

Depuis pratiquement une dizaine d'années, Yann Tisseron a eu le loisir de sublimer de nombreux romans par ses visuels aussi travaillés qu'impressionnants. Avec l'aide de Mathieu Mariolle (au scénario) et de Mikael Bourgouin (au storyboard), il a enfin passé le cap de la bande dessinée en se lançant dans une trilogie nommée Shanghaï. Cet univers très original mélange aussi bien le traditionalisme de la Chine du début du XXième siècle à d'autres aspects plus futuristes. Alors que le premier album venait de paraître, nous avons pu converser avec ce sympathique dessinateur qui se considère en apprentissage dans le 9ème art.

Réalisée en lien avec les albums Shanghaï T2, Shanghaï T1
Lieu de l'interview : Festival d'Angoulême

interview menée
par
8 février 2012

© Yann TisseronBonjour Yann, peux-tu te présenter et nous raconter comment tu en es venu à faire de la bande dessinée ?
Yann Tisseron : En fait, je me faisais chier chez moi. Alors j'ai commencé à me construire un univers et tout est parti de là. J'ai passé mes études et puis je me suis lancé. La première année, j'ai fait une illustration puis de fil en aiguille, j'ai bossé. J'ai fait beaucoup de couvertures pour des romans, pour du jeu vidéo. J'ai fait pas mal de trucs chezCaFé SaLé. Cela m’a permis de me recentrer un peu et de me remettre dans le boulot, ça m'a apporté au niveau des images. Tu vois des gens qui parlent de ce que tu fais et ça te dynamise.

Tu as rencontré Mathieu Mariolle par le biais du forum CaFé SaLé ?
YT : Oui. Je me suis toujours dit que je ne ferai jamais de BD. Je suis arrivé vers Mathieu avec des visuels, des envies et il a brodé une histoire autour de tout ça.


© Yann TisseronComment s'est passé votre collaboration ?
YT : Très bien. Sur le scénario, je ne suis pas intervenu. Je me concentrai sur la narration et le dessin pur. On est super amis. Il m'envoie les découpages et avec Mikael, on travaille tout ça. Si une idée n’est pas bonne, on en parle.

Comment travailles-tu tes dessins ?
YT : Seulement en numérique sur Shanghaï. Il y a une évolution sur le premier tome vers la moitié où j'ai fait un crayonné à la tablette. Ensuite, je fais mon noir et blanc puis les couleurs. Mathieu Lauffray explique qu'en séparant les étapes, tu sépares les problèmes et il a totalement raison. Je cherchais mes volumes et mes couleurs simultanément, ce qui me posait problème, parfois.

Et pour les séances de dédicaces, comment ça se passe ? Tu offres des PC à chacun ?
YT : C'est vrai que ce serait le top de pouvoir travailler directement sur l'ordinateur puis d'imprimer cela pour les lecteurs. Je fais tout au crayon, parfois je fais un peu d'encrage.


Quels ont été les retours sur Shanghaï, vu que c'est ton premier album ?
© Yann TisseronYT : On n'a que des bonnes chroniques. Les lecteurs sont super contents. Il y a des passages un peu sombres sur l'album, dus à l'impression, mais globalement on est content. Je suis plutôt un anxieux et je pense qu'il a les qualités et les défauts d'un premier album. J'estime que je ne fais pas encore de la BD, j'apprends à en faire. Sur le storyboard, je peux compter sur l'aide de Mikael Bourgouin. Comme on est très amis, on s'éclate. Mikael a un gros niveau de dessin et il m'aide beaucoup. De plus en plus, il épure son story-board et me laisse progressivement un maximum de libertés. Je mets environ un an pour un album comme ça et je suis de plus en plus à l'aise avec mon dessin.

Le premier album se déroule majoritairement la nuit, as-tu des contraintes particulières ?
YT : Le côté un peu rouille, organique est voulu. J'ai effectué des réglages pour le deuxième en anticipant l'impression.

Pour les décors, tu t'es documenté ?
YT : Je me sers énormément de documentations. J'en ai besoin pour me rassurer et pour imaginer de nouvelles choses.


© Yann TisseronEs-tu un lecteur de BD ?
YT : Oui, je ne lis pas tout, évidemment. J'ai adoré Il était une fois en France, j'ai été très ému à la lecture. Il y eut Long John Silver aussi. Je suis aussi pas mal d'illustrateurs comme Lauffray, Aleksi Briclot, etc.

Tu cites Lauffray ou Vallée, mais leur style est très différent du tien...
YT : Oui mais je me dis, lorsque je vois ce qu’ils font, qu'il me reste du chemin à faire. Il n'y a aucune erreur de dessins, une forte expressivité.

Si tu avais une gomme magique pour corriger un détail sur ton premier album, souhaiterais-tu l'utiliser ?
YT : Oui, j'effacerai le nom de Mathieu dans mes remerciements ! Non je rigole, je reprendrai tous les défauts que j'ai laissés.

Si tu avais le pouvoir de visiter le crâne d'un autre auteur afin de comprendre son art ou apprendre quelque chose, qui choisirais-tu et pourquoi ?
YT : Mathieu Lauffray : il a tout compris. Il a une culture énorme, il est charismatique. Il est gentil, humble, très intéressant. C'est celui que je préfère !

Merci Yann et bonne continuation !

© Yann Tisseron