L'histoire :
Dans le fin fond des montagnes du Kiso au Japon, les habitants d’un petit village caché procèdent à une cérémonie spéciale, une fête d’adieu les uns aux autres ainsi qu’à leur village. Les habitants sont tous des « vampires », des créatures maudites qui ont le pouvoir de se transformer d’humain en animal en tous genres, chacun d’entre eux ayant sa spécificité. Dès le lendemain, des ingénieurs de la ville doivent venir et il est donc temps pour eux de se disperser dans le monde moderne tout en taisant leur secret. Avant d’incendier leur village, les habitants prêtent donc serment de ne jamais se montrer sous leur apparence monstrueuse devant les autres. Mais le jeune Toppei manque à l’appel : ce dernier est déjà parti pour la ville… Au siège des production Mushi, quelques temps plus tard à Tokyo, Osamu Tezuka est réveillé de bon matin : un jeune homme sonne à sa porte et lui demande du travail au studio d’animation. Il s’agit de Toppei. Tezuka l’engage mais, rapidement, des gens lui font des remarques : le jeune homme se comporte parfois de manière étrange. Pour tirer cela au clair, le mangaka se rend chez son employé mais ce dernier n’est pas chez lui et il décide donc de l’attendre. La nuit est tombée et c’est un loup qui rentre dans l’appartement avant de se transformer en humain devant les yeux ébahis de Tezuka. Toppei lui explique alors de quoi il retourne et tous deux vont bientôt chez un professeur ami de Tezuka pour tirer cela au clair. Mais l’homme décide de tenter une expérience qui dégénère lorsque Toppei se transforme en loup et, sous l’effet de la colère, tue le pauvre homme pour se défendre. Malheureusement pour eux, un témoin a assisté à toute la scène : Rock, un jeune arnaqueur professionnel, bien décidé à faire chanter Tezuka et Toppei et à profiter du don de ce dernier pour exécuter ses forfait. En parallèle, dans l’ombre, des vampires du monde entier fomentent une révolution pour un retour vers l’état animal…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Malgré le titre qui fait immédiatement penser à des chauves-souris aux dents longues et en costard, les vampires de Tezuka sont des créatures mi-humaines mi-bêtes en tous genres. La partie la plus intéressante est d’ailleurs celle qui concerne la révolution mondiale des vampires, mais ces chapitres ne commencent que vers la moitié du tome, tout le début étant beaucoup plus centré sur Rock, le maître chanteur qui va utiliser Tezuka et le vampire Toppei pour mener à bien son ascension sociale. Mais l’intérêt de croiser l’histoire de Rock, finalement très détachée de la thématique principale, avec la destinée des vampires est de mettre en scène celui-ci comme le démon humain, conscient, là où les vampires représentent le démon animal prisonnier en chacun de nous, l’instinct, l’inconscient. Ces derniers sont les monstres des temps anciens et cherchent à revenir à l’état sauvage, tandis que Rock, comme le dit l’auteur, « met des cravates, parle anglais », et est le démon des temps modernes, la malveillance consciente, et est l’aboutissement de l’état de monstre social. Cette thématique ressort surtout vers la fin car, dans les premiers chapitres, l’auteur semble encore chercher ce qu’il va faire de son histoire et certains trouveront cette « introduction » un peu trop longue. On regrette aussi quelques rebondissements bien trop gros et quelques raccourcis scénaristiques, qui collent d’ailleurs très mal avec l’ambiance noire de l’ensemble, les personnages mourrant les uns après les autres de manière violente. Il est par contre amusant de voir Tezuka interpréter un des personnages à part entière et se caricaturer ainsi, mais le reste des graphismes déçoit également, l’auteur n’étant apparemment pas très à l’aise pour réaliser du fantastique, des monstres et des ambiances sombres de style film d’horreur des années 20 à 40. En parlant cinéma, et références, on notera avec amusement la couverture à l’illustration quasi identique à l’affiche du film Dracula de Coppola, et aussi que Tezuka s’inspire un peu du Macbeth de Shakespeare avec ses trois sorcières, mais cette partie ne sert finalement à rien. Pour finir, on regrette fortement la politique de l’éditeur qui, en guise « d’intégrale », nous propose ici une édition tronquée, contrairement à la précédente ! Certes, la suite n’a jamais été terminée par l’auteur car le magazine qui la prépubliait s’est arrêté avant la fin, et le vrai « dernier » chapitre existant s’arrête en plein dans l’histoire. Néanmoins, si le parti est pris d’arrêter l’histoire à la fin du premier cycle, on n’inscrit pas « intégrale » sur la couverture sinon cela relève de la tromperie et du manque de respect à l’œuvre du maître et au lecteur. Et l’éditeur ne se fend même pas d’un message d’explication, alors qu’il se targuait dans l’édition bunko que les qualités de ce récit « justifiaient pleinement sa publication [sous entendu « complète »] en version française »… On déplore donc l’édition de cette fausse « intégrale » pour lui préférer la précédente qui se fendait au moins d’une postface.