L'histoire :
Juin 1910, à l’auberge Amanoya, près des sources thermales de Yugawara, Kôtoku Denjirô, alias Kôtoku Shûshui, est seul depuis que sa compagne est retournée à Tokyo purger une peine de 70 jours de prison. Un jour par yen de l’amende qu’elle a reçue pour violation des droits de la presse... Depuis le mois de mars, Shûshui s’est mis en retrait du mouvement anarchiste afin de rédiger une « Histoire populaire de l’époque Sengoku au Japon » et ainsi rétablir sa situation financière. Paradoxalement, c’est grâce à un confrère de droite, Koizumi Sanshin, un ami de longue date, qu’il a décroché ce travail. Taoka Sayoji, critique et penseur de son époque, souffrant de la maladie de Pott, loge également à l’auberge, le temps d’une cure d’air. Les deux hommes partagent un petit-déjeuner au cours duquel Shûshui annonce son proche départ pour Tokyo. Ils évoquent aussi l’arrestation d’un militant anarchiste ouvrier, après la découverte de matériel explosif à son domicile, en condamnant les moyens par trop radicaux dont usent les jeunes d’aujourd’hui. Le pousse-pousse arrive bientôt et Shûshui prend congé. Sur le chemin, il croise une voiture à cheval avec à son bord l’inspecteur Imai qui croit le reconnaître. Celui-ci stoppe son convoi et repart dans l’autre sens au pas de course. Pendant ce temps, Shûshui s’est arrêté prendre un thé. À la demoiselle qui le sert, il donne des explications sur la comète de Halley qui vient de séjourner un moment dans le ciel et qui reviendra dans 76 ans. Imai arrive finalement à bout de souffle dans l’établissement. Il demande à Shûshui de lui confirmer son identité avant de l’inviter à le suivre. Il est en état d’arrestation...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Représenté sur la couverture vêtu d’un kimono traditionnel très réussi, en position zen sur fond beige immaculé, Shûshui est un symbole. La sérénité qui semble se dégager de lui est peut-être, en fait, de la résignation tant la vie de Kôtoku Denjiro, alias Kôtoku Shûshui, a été rendue difficile par ses opinions politiques et son influence en général. Ce quatrième tome d’Au temps de Botchan lui est consacré. Le premier chapitre pose le décor avec son arrestation en 1910, à la suite de la découverte de matériel pouvant servir à faire des explosifs chez un militant anarchiste de la région de Shinshû. Il n’a en aucune façon participé à ce « complot » qui causera pourtant sa perte. Les chapitres suivants reviennent en arrière, retraçant le parcours d’un homme d’exception, habité par cette force tranquille qui fera complètement paniquer le gouvernement japonais. Le scénario de Sekikawa foisonne de personnages qui ont tous un rôle important dans cette époque trouble du Japon, abondance nécessaire pour bien relater le destin de ces martyrs quasiment inconnus en occident. Les nombreuses explications de bas de pages aident à comprendre l’histoire en même temps qu’elles en ralentissent le déroulé, ce qui en fait un livre avec lequel il faut être patient afin d’en apprécier toute la profondeur. Jirô Taniguchi, de son côté, mène de sa main de maître l’ambiance visuelle de ce roman graphique pointu, d’où il émane un calme en opposition avec le fond du récit. L’art du détail couplé à une grande technique donnent vie aux personnages, mis en scène dans de superbes décors, qu’ils soient urbains ou naturels. Ambitieuse, méthodique et authentique, cette fresque retrace une page d’Histoire rappelant que le monde marche sur la tête depuis bien longtemps, même au pays du Soleil levant.