L'histoire :
Kayako Kirishima est une jeune lycéenne japonaise. Une jeune fille bien sous tous rapports, bien intégrée dans sa classe et son groupe d’amies et bonne élève. Un brin rêveuse, après les cours, elle aime se rendre sur les rochers en bord de mer et se perdre à admirer, seule, l’horizon que lui offre la mer du Japon. C’est son coin à elle. Elle seule connait ce raccourci qui l’y conduit. Son quotidien va rapidement changer avec l’arrivée dans sa classe de Masami Endo, une jeune fille mystérieuse, peu fréquentable d’après les on-dit, mais pour laquelle elle éprouve une irrépressible attirance. Devenues amies, les sentiments de Kirishima envers Endo vont se révéler nettement ambigües. Partagée entre l’admiration, la jalousie, l’amitié et l’amour, la vie de la jeune fille s’en trouve chamboulée. Ce qui, jusqu’alors, n’était pour elle que certitudes, peu à peu s’ébranle…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Première de ses histoires longues, Blue est l’œuvre qui a apporté notoriété à l’auteure. Comme à l’accoutumé, Kiriko Nananan nous livre un récit du point de vue exclusivement féminin. Nous plongeant dans les affres de l’adolescence, des premiers émois, de cette période charnière durant laquelle l’insouciance enfantine s’en va et laisse place à ce sentiment de « vie compliquée », c’est une tranche de vie pour le moins mouvementée qui nous est ici contée. Dressant un subtil portrait de ce « couple » d’amies, l’auteure n’hésite pas à partager l’intimité de ces deux gamines, sans pour autant tourner au voyeurisme. Ici, tout n’est que subtilité, qu’instants fugaces, mais lourds de sens. Une dispute au milieu d’un couloir au lycée, un sourire furtif au détour d’une discussion banale, un baiser inattendu… autant d’instants forts, servis par une narration toujours sur le fil, ou comment l’émotion omniprésente croise régulièrement une lucidité fulgurante et cruelle. Graphiquement, si le style si particulier de l’auteure peut surprendre de prime abord, force est de constater qu’il sert parfaitement le propos. On tend ici à l’épure, rien n’est surchargé, ni les protagonistes, ni leur environnement. Kiriko Nananan a pris le parti de concentrer son trait sur la narration. Aussi, pas de décors superflus, les personnages sont souvent représentés sur fond blanc, lorsque l’arrière-plan n’est pas indispensable à l’histoire. On se consacre ainsi à l’essentiel, un mot, une expression, un mouvement. Les cadrages, bien que très contemplatifs, sont particulièrement bien sentis et jouent beaucoup sur notre perception de l’ambiance des diverses scènes et ambiances. L’encrage, quant à lui, n’est pas en reste. Très fin et parsemé d’aplats noirs profonds, il magnifie chaque silhouette, chaque décor. Peu de travail d’ombrage ou de volume à l’instar du dessin, chaque touche de gris est sciemment distillée. En bref, un très bon album où sensibilité et fragilité sont les maîtres-mots.