L'histoire :
Chagrin d’enfance – La belle Dallye vivait au village d’à côté. Elle avait la grâce de l’orchidée et l’éclat de la pivoine. Un jour qu’elle travaillait aux champs, cueillant les feuilles de tabac, Sambong la remarqua. Sambong était encore jeune et ses camarades moquaient son ingénuité. Il disait en revanche que la belle Dallye avait bien de la chance puisqu’elle allait se marier. Heureux surtout serait l’époux à qui elle donnerait de si beaux enfants ! Sambong croyant encore à la grâce de la mère Samshin (divinité présidant aux naissances) ne comprenait pas. Contre deux carpes, ses aînés lui expliquèrent qu’afin de concevoir, la femme avait besoin de la graine de l’homme, leur corps entrelacés, avant qu’un bébé lui arrive entre les jambes au terme de dix mois. Abusé par un jeu de mots, Sambong comprit « sous les ponts ». Ainsi, les bébés naissent sous les ponts (…). Sambong s’en alla et, comme la pluie se mit à tomber, il courut s’abriter sous un pont non loin. La belle Dallye s’y abritait déjà. Quand le tonnerre gronda, Sambong se blottit contre la jeune femme. Le soleil revenu, chacun s’en alla de son côté. Ce n’est qu’alors que Sambong réalisa ce qu’il s’était passé. Il avait fait un enfant à la belle Dallye. Dans dix mois, il serait papa…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Collection ouverte, hors contraintes de série, de genre ou encore de pages, Ecritures offre un écrin propice aux expériences venues d’ailleurs. De grands noms s’y illustrent déjà (tels Jirô Taniguchi ou Craig Thompson, par exemple) et c’est aujourd’hui au Sud-coréen Kim Dong-Hwa d’y faire son entrée. Connu en France pour ses séries comme La bicyclette rouge ou la trilogie Histoire couleur terre, il nous revient ici avec un titre ambigü, La Mal aimée, expression désignant autrefois en Corée à la fois l’objet aimé et son contraire. Une façon habile de traduire le sentiment d’attachement profond à son pays qu’éprouve l’auteur, nourri pourtant d’inimités. Qui aime bien châtie bien, dit-on. Constitué par 11 récits courts et indépendants, La Mal aimée reste fidèle aux thèmes chers à Kim Dong-Hwa : la nature, les campagnes traditionnelles et leurs habitants, l’enfance, la femme et l’éveil à la vie, etc. Les sens et notamment celui de l’odorat, autour du champ lexical des fleurs et de leurs senteurs, occupent une place essentielle. Tour à tour azalée, pissenlit, camélia (…), la femme exalte un délicieux parfum d’authenticité et de tendresse. Le trait comme à l’accoutumé est emprunt de légèreté, une ligne claire détachant les personnages de décors plus fouillés et picturaux. Après avoir débuté sur une note malicieuse enfantine, l’album se termine dans un élan de romantisme absolu. « Papillon lycénidé, fidélité incarnée », fait rimer le proverbe. Une fin à la coréenne, triste et belle à la fois.