L'histoire :
Mario, petit homme sans relief, mène une vie morne et sans amour. Son quotidien est toujours le même : la seule chose originale qui parsème son existence est d'écouter son ami jouer du piano. Il faut dire que son compagnon est un manchot particulièrement mélomane. Mario n'a pas de famille, ou si peu : tous ses cousins sont de dangereux truands prétentieux et violents. Il s'en fiche, cependant. Pourtant, l'absence d'une femme lui pèse particulièrement. Il a besoin de tendresse et de contact. Il est d'ailleurs tombé amoureux de Bérénice, une catcheuse professionnelle qui joue dans la salle « Republic of Catch ». Fasciné par son courage et son caractère, Mario parvient à la faire venir une fois chez lui, mais la rencontre est plutôt négative. Bérénice lui annonce qu'elle est amoureuse du plus beau catcheur, Arès, et elle maltraite son seul ami manchot lorsqu'il joue du piano...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Nicolas De Crécy revient ! Et comme d’habitude, le célèbre auteur de Foligatto surprend encore ses fans. Cette fois, il s’essaie à un format manga (petite taille d'édition, découpage aéré, mais sens de pagination européen) et se plie totalement aux contraintes de l’art japonais. En postface, l’auteur explique qu’il s’est changé en véritable mangaka avec des contraintes de délai et un style noir et blanc fluide et vif. L’histoire reprend également des éléments bien connus de la culture nippone : la mafia façon yakuza, les catcheurs qui rappellent les fameux sumos et également la mythologie des fantômes. En s’attaquant à cet art populaire par excellence, De Crécy réussit son pari fou avec les honneurs. Son trait est d’une efficacité redoutable et rappelle celui d’Otomo. Changeant totalement son style, l’auteur ne joue plus sur des couleurs sombres ou décalées, mais sur un noir et blanc puissant et ultra expressif. Les scènes sont très nerveuses et le rythme ultra explosif. Le thème est également très populaire puisque l’on est dans un polar classique avec un affrontement entre un petit bout d’homme et sa famille mafieuse. Ce duel à la Rio Bravo est totalement déséquilibré, d’autant que la redoutable mafia possède des tueurs expérimentés et des gros bras avec les joueurs de catch. Un manga à la sauce polar avec une mafia dangereuse : du déjà-vu ? Non, car De Crécy ne peut s’empêcher d’apporter sa patte unique et originale. Les personnages ne sont vraiment pas typiques de ce genre d’histoire et le polar côtoie le burlesque : le héros est un petit homme vieux et peureux, le seul ami de Mario est un manchot mélomane, le chef de la mafia est un bébé cruel et sans pitié et les fantômes sont des êtres bizarres et loufoques. Sans compter le thème du catch, totalement décalé par rapport à une histoire sérieuse et dramatique. Ce patchwork complètement fou fonctionne à merveille grâce au talent de l’auteur. Le ton est très juste et ce récit hybride fonctionne à plein régime. La réalité se transforme sous l’art de De Crécy et l’univers de l’artiste fascine et envoûte. Certains passages sont de purs moments de poésie, notamment celui où les fantômes crient leur souffrance et leur destin incroyable. La fin annonce, en plus, un deuxième tome musclé. Un chef-d’œuvre de plus, par un artiste unique.