L'histoire :
Lorsque Pol Pot pris le pouvoir au Cambodge, une de ses premières décisions fut d’envoyer les citadins dans les campagnes, plus exactement dans des camps où la population était réduite au travail forcé : celle-ci y était dépossédée de ses biens personnels et les membres des familles étaient séparés. C’est ainsi qu’Aki Ra, alors bébé, fut élevé avec une dizaine d’enfants de son âge, à l’écart des adultes et des travaux forcés. Jusqu’à un certain âge, les enfants pouvaient s’amuser et aller dans la jungle autant qu’ils le souhaitaient mais, en revanche, ne pouvaient rien manger de ce qu’ils y trouvaient. En effet, manger autre chose que la bouillie réglementaire était considéré comme un acte de trahison : lorsque quelqu’un se livrait à ce genre d’actes, il était roué de coups et exécuté devant les travailleurs à titre d’exemple et de rappel, quelque soit son âge. Les soldats servaient de professeurs aux enfants et les cours reposaient sur la peur : pour leur apprendre à nager, les soldats poussaient les enfants dans l’eau et, si son ami Pok n’avait plongé pour le sauver, Aki Ra serait mort ce jour-là. Lorsqu’il eut 10 ans, Aki Ra se vit donner une AK-47, une mitraillette Kalachnikov, et devint officiellement un soldat du parti, un khmer rouge. Sa principale mission : poser des mines pour repousser les envahisseurs vietnamiens, des « géants à longue barbe et aux crocs tranchants »…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Loin d’être une simple fiction nous relatant la vie d’un enfant soldat, ce diptyque nous raconte la vie d’Aki Ra, enfant soldat dans l’armée de Pol Pot, puis dans celle du Vietnam et enfin du Cambodge : dès son plus jeune âge et pendant 15 ans, il connaît les camps de travail et sa vie sera marquée par les armes (principalement les mines) qu’il apprit à manier alors qu’il n’avait qu’une dizaine d’années. Au travers de son histoire, cruelle et terrifiante, cette œuvre dénonce les atrocités de la guerre, surtout en ce qui concerne la manipulation des enfants, embrigadés et manipulés dès leur plus jeune âge. C’est d’ailleurs son caractère autobiographique qui fait l’intérêt de cette histoire dont certaines scènes, il est vrai, semblent parfois stéréotypées. S’ils avaient été encore plus réalistes, les graphismes auraient également un peu plus renforcé le réalisme du récit, l’immersion, mais la qualité générale est tout de même au rendez-vous grâce à une réalisation soignée : découpage dynamique, personnages expressifs, décors nombreux et fournis, tramage abondant, beaucoup de détails… On notera au passage que les quatre pages bonus sont exclusives à l’édition française de ce titre et que celles-ci narrent les rencontres de l’auteur avec Aki Ra. On regrettera tout de même quelques défauts, comme une erreur de traduction lorsque l’auteur, Akira, est appelé Aki Ra, ou encore le fait que la préface ne soit pas tout à fait claire sur le déroulement des événements, ce qui fait que quelqu’un qui n’y connaît rien ne comprend pas vraiment ce qu’il s’est passé. En tous cas, on a très envie de savoir comment cet enfant bercé par la guerre et les armes est aujourd’hui devenu un traqueur de mines et propriétaire d’un musée, ce titre étant à découvrir absolument.