L'histoire :
Le futur de la Terre pourrait ressembler à Eidos. Une mégapole de plus d’un milliard d’habitant, une cité-Etat dont les frontières seraient celles du globe, ou du moins des continents. Eidos incarnerait le rêve de l’humanité, son accomplissement parfait. Ici le bonheur serait complet, là la prospérité s’étalerait dans les rues à la vue de tous. Chacun goûterait sa part du gâteau et le progrès serait partagé par tous. L’utopie originelle deviendrait alors réalité… Eidos ressemble en effet à cela. Enfin, en un sens du moins. L’Homme est effectivement libéré des soucis du quotidien. Les tâches les plus ingrates et risquées sont faites par des robots. Ces derniers sont devenus tellement perfectionnés qu’il est aujourd’hui impossible, à l’œil nu, de les différencier : ils vivent en parfaite harmonie avec leurs créateurs, noyés dans la masse. Toutefois, quand bien même la situation paraît idyllique, lorsqu’un soir le docteur Blanc rentre chez lui, harassé par une dure journée de travail, il panique à la vue des informations télévisées. Un scandale touchant sa société vient d’éclater et il est inquiet. Pire : terrorisé ! L’instant d’après un commando fait irruption par la porte et l’abat froidement. Seule, sa femme est épargnée. Le lendemain, l’inspecteur Baron se présente sur la scène du crime…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le terme grec d’« Eidos » désignait pour Platon l’« idée » ; Aristote l’employait pour la « forme » ; un autre y voyait l’« essence » de toute chose. A partir d’un mot repris des origines de la philosophie, le jeune scénariste Andrea Iovinelli bâtit un récit d’anticipation classique mais efficace. L’idée, la forme, l’essence de la SF, tout cela est à l’œuvre à Eidos, cette mégapole tentaculaire de près d’un milliard d’individus (!), où l’Homme semble avoir parachevé sa quête : l’atteinte du bonheur. Le thème de l’éternité, de la vie perpétuelle est, comme souvent en SF, au cœur d’une intrigue qui commence en décrivant l’utopie rêvée. Une introduction qui, par ailleurs, rend justice à une série dont le génie ne sautait pas forcément aux yeux en pré-publication. Underskin (littéralement « sous la peau ») n’est en effet pas la plus abordable en plusieurs fois, découpée en chapitres dont le manque d’un ou plusieurs numéros, à dessein ou par omission, pénalise la compréhension d’ensemble. Graphiquement néanmoins, la maîtrise du dénommé Dall’Oglio était déjà évidente, d’une maîtrise confondante ! « Une réalisation graphique somptueuse » comme le vend l’éditeur ? Parfaitement, tant les proportions, cadrages et scènes successives évitent toute faute de goût. Le trait final trahit un crayonné virtuose, capable de rendre l’action comme l’émotion. L’illustration d’une intrigue balançant sans cesse entre « aujourd’hui » et un ailleurs, parfois un jour, une semaine ou un mois auparavant, n’était pas chose facile. Le pari est tenu et offre d’agréables perspectives. Il manquait sans doute aux collections Shogun un thriller d’anticipation prenant : vous le tenez en mains.