L'histoire :
Un jour comme un autre à Tokyo, la gigantesque métropole japonaise. Sur la ligne du métro conduisant à Yamanoté, les passagers sont témoins d’une nouvelle scène de violence incompréhensible. Une jeune collégienne s’en prend verbalement et physiquement à un vieil homme qui n’avait, semble-t-il, pas l’énergie nécessaire pour se défendre. L’incident fait les gros titres de l’actualité et l’on s’interroge sur le pourquoi : la faute au système scolaire défaillant, trop de liberté laissée aux enfants par leurs parents, les jeux vidéos et les programmes télévisés trop violents ? Le problème est latent mais personne ne paraît vraiment s’en préoccuper. Quel remède adopter ? Les écrans préfèrent présenter un côté plus glamour et vantent une beauté « fashion » à portée de main. Pourtant ce jour, quelque part au détour d’une rue d’un quartier résidentiel, un étrange haricot a percé la chaussée. C’est une jeune enfant en promenade avec ses camarades qui la première le remarque. Mais sa maîtresse, elle, n’y prête guère attention. Le petit groupe passe donc et le temps avec lui. Peu après, on remarque qu’ailleurs aussi la chaussée se déforme, comme soulevée par la floraison d’un mystérieux bourgeon qui ne cesse de pousser. L’étrange nouvelle se répand. Les passants s’assemblent autour du végétal qui grandit à vue d’œil. Le jacaranda (une plante originaire d’Amérique du sud) est d’abord l'objet de curiosité car inexpliqué. Puis viennent l’effondrement d’une maison et la mort de ses habitants. Le drame alerte, la menace devient palpable : la catastrophe ne fait que commencer…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Jacaranda est une œuvre qui, à première vue, a tout du film catastrophe. Et pourtant, son auteur en réfute le qualificatif et s’explique au terme d’une lecture publiée avec grand soin. En effet, point de héros hollywoodien ici, point d’actions mémorables à mettre à l’actif de personnages que l’on croise plus que l’on suit. A la suite d’un fait divers dramatique (la scène introductive donnant tout son sens au livre), Shiriagari Kotobuki, auteur iconoclaste (notamment Yaji-Kita in deep, Yaji et Kita au cœur des ténèbres) imagine la pousse d’un végétal tropical qui offrirait au monde une seconde chance, le salut auquel il ne pourrait prétendre sans une prise de conscience terrible. Plus qu’une plante destructrice, le jacaranda en est une salvatrice, le symbole d’un renouveau possible en accord avec la Nature, en dépit d’une société devenue si impersonnelle et inhumaine. Plus qu’une apocalypse, ces quelques 300 planches offrent un récit des origines, pré-diluvien, à la lecture multiple, certes horrifique mais néanmoins optimiste sur l’avenir du monde (la vue finale vous en convaincra). Cependant, ne cherchez pas de réflexion métaphysique profonde à une intrigue écrite à partir d’idée forte, une simple image : celle d’un arbre géant détruisant Tokyo en une nuit. Graphiquement, cette descente en enfer témoigne d’une puissance peu commune, noire et à cran. L’impression d’effroi et la panique sont palpables. Un one-shot prenant et énigmatique...