L'histoire :
1913, village d’Osato près de la ville de Sendaï – Kiyoshi est un jeune homme en souffrance. Elevé par son grand frère et sa femme depuis la mort de son père, le garçon qui eut la chance d’aller à l’école ne rêve que d’une chose : quitter cette campagne paysanne où l’on se tue au travail, pour aller en France étudier la musique. Cependant, devant la colère de son aîné et l’ampleur des sacrifices déjà consentis, Kiyoshi est contraint d’y renoncer et se voit proposer un travail comme enseignant à l’école municipale d’Osaka, une école pour enfants aveugles et sourds. Lui qui ne vivait que pour la musique s’apprête donc à entrer dans un monde de silence. Le jour de son arrivée à l’école, située en marge du reste de la ville, Kiyoshi est témoin d’une bagarre violente entre deux élèves. Pris à parti, le nouveau professeur a bien du mal à les séparer. En effet, l’un deux appelé Issaku Toda présente un caractère d’une rare agressivité. Arrivé tout récemment, le garçon de neuf ans semble incapable de communiquer autrement qu’avec ses poings. Il ne connaît rien de la langue des signes et se comporte avec tout le monde comme un animal sauvage. Reçu par le directeur de l’institution, Kiyoshi se voit expliquer la situation et sa mission auprès des enfants : il devra tenter d’emplir leur cœur de musique. La tâche s’annonce difficile, voire impossible. En effet, comment enseigner à des personnes qui n’entendent pas, la beauté des sons et des harmonies ? S’il réussissait à apprivoiser Issaku abandonné par tous et manquant cruellement d’amour, alors peut-être y-aurait-il un espoir…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Que se soit à l’écran ou sur papier, en Asie, la fiction ose traiter de sujets difficiles, sociétaux, et ceci de manière sans doute plus régulière et frontale que par chez nous. Signé Osamu Yamamoto (évitez l’homonymie limite), L’orchestre des doigts met en scène un jeune professeur de musique qui, au début du siècle passé, s’efforce à communiquer avec les élèves sourds (ou aveugles, dans une moindre mesure) d’un institut pionnier. Documenté, explicité et d’une haute tenue, le titre rebondit sur un précédent plus léger (Kôshien lointain, une histoire autour du base-ball) au travers duquel l’auteur s’est familiarisé au sujet. Un sujet éminemment graphique, langage corporel (des signes) oblige, parfaitement rendu et maîtrisé. Au fil des pages, l’émotion demeure à fleur de peau, l’introduction d’une rare violence donnant le la d’un monde que les clichés dépeignent souvent négligemment. Là où le silence règne, notre héros doit y faire entrer la musique ; là où l’incompréhension règne, il lui faut renouer un dialogue. La tache relève de l’impossible tant la société arbore le handicap qui reste tabou. Nous devons changer : une vérité d’hier et d’aujourd’hui que l’on ne peut remettre sans cesse à demain. Manga ambitieux et poignant, fiction historique autour du personnage de M. Takahashi (pionnier de l’enseignement spécialisé au Japon), L’orchestre des doigts s’adresse à tous et à toutes, à tous ceux qui ont soif d’échange et d’amour au-delà de nos différences, fussent-elles grandes…