L'histoire :
En Pennsylvanie au début du siècle dernier, un jeune couple a décidé de démarrer sa vie dans la petite bourgade de Carlisle, toute proche de réserves indiennes. Diplomé de la prestigieuse université de Harvard, Jonas veut consacrer une partie de son existence à l'intégration de ces populations envahies de facto par la société occidentale. Maintenus dans l'illettrisme par des blancs trop heureux de les parquer hors de la société qui se construit, certains représentants des tribus installées là depuis des siècles sont prêts à envisager de rentrer dans le moule de l'éducation qui leur est proposée. Mais rien n'est facile pour aucun des deux camps. L'histoire officielle que l'Amérique est en train de se construire souhaite un renoncement complet des « native americans » à leur culture d'origine. Le colonel Richard Henry Pratt, directeur de l'école Carlisle, a pour cela une approche pragmatique et somme toute peu ouverte. Jonas est plus naïf, moins calculateur et souhaite sincèrement l'amitié entre les deux peuples. Dans cette confrontation des cultures, il va constater que le respect des populations indiennes est loin d'être ancré dans l'esprit de ceux qui veulent les éduquer. Il va découvrir comment son progressisme un peu naïf se confronte chaque jour à l'organisation plutôt rigide de l'institut, et constater que sa propre femme Mary fait preuve d'un conservatisme qu'il ne soupçonnait pas. Un choc frontal dont les traces subsisteront longtemps...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Il est toujours délicat d'avoir recours à des sources externes pour comprendre ce qu'un auteur a voulu dire et où se trouve la dynamique de son scénario. C'est un peu le cas ici, avec une histoire basée sur l'existence de véritables écoles qui visaient à l'époque à éradiquer la culture indienne. L'idée était bien entendu de la remplacer par des valeurs communes avec celles des blancs qui avaient installé leur domination sur le pays. Une victoire culturelle qui aurait complété la victoire militaire des guerres indiennes. La difficulté que l'on rencontre à la lecture de ce premier tome est de comprendre où se trouve le cœur de l'intrigue et ce qui en constitue le contexte. Le pitch de départ est très accrocheur avec ces quelques indiens assaillis par une bande de blancs qu'on devine imbibés d'alcool, et armés jusqu'aux dents. La plongée dans le passé 70 ans plus tôt semble également une bonne trouvaille pour raconter cette histoire de manière pas trop conventionnelle. Mais au cœur de la confrontation culturelle de la petite ville de Carlisle, les digressions sont nombreuses. Aussi bien les relations de Jonas avec son épouse que les différentes personnalités qui s'affirment dans le groupe d'élèves indiens semblent vouloir nous lancer dans de multiples directions... rapidement abandonnées ensuite. Il est possible que cette incrédulité soit levée avec le second tome à venir, d'autant que l'auteur nous ramène dans le présent des années 70 en fin d'album, ce qui constitue une forme de relance de son intrigue. Il reste néanmoins à Edouard Chevais-Deighton et son dessinateur Laurent Seigneuret un peu de travail pour doser l'impact de leurs scènes clés. La page 14 de l'album est un exemple de confusion, qui mélange la fuite d'un élève et l'arrivée d'un nouveau prisonnier, alors qu'un seul de ces deux événements aurait suffi à démontrer la cruauté du Major Mercy. On suivra donc cette série avec intérêt pour le fond de son propos, mais en faisant preuve d'une prudence de Sioux sur la forme.