L'histoire :
1975. Jacques-Marie Bertrand, le dirigeant de la BERCOP, entreprise située en Charente et leader européen du secteur de la photocopie, installe officiellement son fils, Jean-Yves, comme directeur du nouveau pôle recherche et développement de l’entreprise qui a pour surnom « le Labo ». Si le jeune homme, fraîchement émoulu d’une école d’ingénieur, paraît gauche et emprunté, entrant dans un costume bien trop grand pour lui, il n’en demeure pas moins visionnaire quant à la thématique de l’informatique personnelle. Assistant à une conférence de Gérard Zermati sur un embryonnaire réseau de télécommunications entre Paris et Grenoble, Jean-Yves est convaincu que l’avenir est là. Grâce à Joyce, une jeune femme récemment rencontrée, et aussi à un peu (beaucoup) d’herbe made in USA, Jean-Yves va lancer son grand projet, une véritable révolution : la création de l’Ordinateur personnel.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Si le réseau internet est largement dominé par les entreprises américaines, on peut se souvenir que cette invention est française, abandonnée au profit du Minitel par le gouvernement Giscardien, pour des histoires de gros sous entres les différents acteurs télécoms de l’époque. Partant de ce postulat, Hervé Bourhis construit une histoire alternative de la French Tech, où les visions d’un jeune ingénieur enthousiaste emmènent une petite équipe de techniciens sur les chemins de la création des outils du futur. Le scénario joue habilement sur le décalage entre l’innovation la plus pointue de l’époque et le côté rétrograde de la société française d’alors (patriarcale, misogyne, conservatrice et corporatiste). Ici les hommes boivent, fument, dominent leurs femmes, alors que sous leurs yeux, une révolution (sociétale, morale et technologique) est en marche. Ceci amène plusieurs scènes amusantes et bien senties. Le dessin de Lucas Varela, adapté au sous-texte, participe pleinement au plaisir de lecture de l’album. La narration est particulièrement fluide grâce à une mise en scène sans esbroufe, et le parti-pris des couleurs (bleu-blanc-rouge) pose une ambiance aussi particulière que réussie. A noter également deux belles scènes de trip sous produits, mais qui entraînent un regret dans le ressenti final : l’impression que l’histoire hésite entre fiction sérieuse et comédie pure. Si un peu plus de folie aurait été bienvenue, l’ensemble, sans être révolutionnaire, est cohérent et agréable.